Ce n'est pas que je sois particulièrement passionnée, ou collectionneuse dans l'âme, mais il se trouve que j'aime acheter un de ses livres quand j'en trouve un. C'est donc tout naturellement que mon père me rapporta Sagan et fils, Sagan racontée par Denis Westhoff, son fils.
Un rapide tour sur Google m'informe que le livre a globalement emballé la critique.
La critique et moi sommes pas d'accord.
Denis Westhoff nous présente sa mère, de son point de vue à lui, de ses yeux d'enfant à lui, de ses yeux à lui d'enfant à elle (cette phrase est alambiquée, c'est un fait). Soit. Il l'indique tout de suite, il veut établir sa vérité, pas la vérité.
1 - Ma maman, c'est pas Françoise Sagan. Mais Françoise Sagan non plus, c'est pas Françoise Sagan.
Si ma maman s'appelait Françoise Sagan, moi aussi j'aimerais dire mon point de vue et tacler les détracteurs. Mais ma maman, c'est pas du tout Françoise Sagan, mais pas du tout, elle met toujours des chaussures pour conduire et ses cardigans ne sont pas troués par les cendres.Eh bien figurez-vous, que Sagan non plus. Voilà ce que DW nous rabâche tout au long du livre : les biographes de sa mère sont de gros menteurs et l'ont même parfois rabaissée, et ils ont inventé eux-même la légende Sagan. (Donc en fait, j'ai aimé une légende. Et ça, ça, ça m'énerve. Passons.)
Soit, j'en aurais fait autant, ça doit être agaçant de voir sa mère traîner dans la boue. Mais il y a comme un petit problème ...
2 - Le mensonge c'est mal, mais si vous voulez, c'est mal tout le temps.
Il dénonce avec véhémence les écrits qui pourraient nuire à sa mère, mais ceux, tout aussi faux, qui peuvent l’encenser, il garde. "Quel intérêt aurais-je à m'épuiser à ajuster des miroirs, à rétablir des vérités, si celle-ci sont plaisantes et nous détournent de l'ennui ?" ... Euh ? Pardon ? On est quand même face à quelqu'un qui veut rétablir la vérité, sa vérité, pardon, et si les mensonges vont dans le bon sens, pas de problème ?Mais on est où, là, exactement ? Allons-y, j'ai qu'à crier sur les toits Françoise Sagan a été prix Nobel de la paix et a sauvé les ours polaires de l'extinction ! Si c'est pas vrai je m'en fous, ça m'a bien détourné de l'ennui tout ça.
Maintenant qu'on est tous bien détourné de ce fameux ennui, je peux continuer.
3 - Mon papa c'est le plus fort, et ma maman elle est trop géniale.
DW explique pourquoi les biographies de Sagan sont erronées : lui seule la connaissait mieux que personne, donc voilà c'est un peu normal que le reste du monde soit une grosse bouse de vache. Papa-maman sont décrits comme formidables, géniaux, talentueux, visionnaires. A le croire il n'y a que Sagan qui s'est insurgé contre le nucléaire, Cuba &co. Quand je vous dis que le reste du monde est une bouse, c'est une bouse détournée des problèmes de guerres mondiaux, hein.DW cite sa mère "Comme disait ma mère ..." en long et en large, ça va, c'était pas le Saint-Esprit, non plus.
Alors voilà, c'est lassant de lire papa-maman c'est les meilleurs. Mais c'est encore plus lassant quand ...
4 - Dire qu'on n'a pas de talent alors qu'on pense qu'on en a mais qu'en vrai on n'en a pas.
Quand on ouvre le livre on voit : Que l'on ne s'y trompe pas : je ne suis pas plus écrivain que détenteur d'une vérité absolue. Eh bah mon gars, il aurait plus manqué que tu te prétendes écrivain par-dessus le marché !Le livre n'a aucune cohérence spatiotemporelle, après avoir lu Stoner de Williams qui est d'une linéarité parfaite, je vous dis pas le choc. On dirait que DW couche sur le papier les anecdotes en enfilade, j'ai trouvé ça très désagréable à lire.
Mais encore plus désagréable que t+1, t-2, puis t+4, puis t0, et encore t+1, il y a leees ... Parenthèèèèses. Alors les parenthèses, grande grande passion, apparemment. Aaah oui, la parenthèse vraiment, quelle belle invention.
C'est un peu ça (à peine exagéré) :
J'ai écrit un article (sur mon blog) qui parlait (enfin qui traitait) de Françoise Sagan - écrivain que j'aime beaucoup -, enfin plutôt de Denis Westhoff (son fils) qui tente de rétablir la vérité - je dirais même plus sa vérité - sur sa maman (donc Françoise Sagan).
Dans l'ensemble c'est assez chiant à lire. Alors sûrement qu'il avait beaucoup de choses à dire, je n'en doute pas. Mais l'écriture est un peu boiteuse, les phrases sont longues et sinueuses.
Cependant avant d'ouvrir le livre, le titre Sagan et fils suggère la transmission d'un talent d'écriture quelconque entre Sagan et son fils. Vous voyez, comme quand le fils d'un artisan rejoint l'entreprise de papa genre "Robinet Binet et fils". Or il n'y a aucune transmission, pas le bout d'une transmission, rien.
La dernière partie du livre est consacrée à comment DW éponge la dette de Sagan, ses déboires avec le ministère, les huissiers et bla et bla, mais comme dirait Murien Robin : J'EN AI RIEN A CARREEEER.
5 - Bon quand même, c'était pas si nul.
J'ai appris des choses sur Sagan, et parfois c'était émouvant. Je l'ai lu vite, donc ça devait pas être aussi mal écrit que ça. J'avoue. Et si j'avais fait un livre sur ma maman j'aurais pas aimé que quelqu'un le descende de la façon dont je viens de le faire, mais comme DW ne lira jamais ceci, c'est pas très grave.Et si jamais tu lis ça Denis, PEACE, on va à Deauville boire une bière.