Angèle

Bonjour, je peux venir vous voir cet après-midi ? c'est assez urgent ...

Bonjour Angèle, je ne peux pas cet après-midi je suis désolée, mais demain matin à 10h, ou même plus tôt, ça vous va ?

Oui oui 9h30 ?

C'est ok ! mais....vous êtes sûre que ça va ?

moui moui, enfin je crois, enfin pour le moment ça va. A demain matin alors ! 

Et elle raccroche...

Angèle elle est déjà venue me voir 2 ou 3 fois depuis le printemps dernier, son corps a 20 ans, mais dans sa tête et quand je l'écoute raconter son histoire, elle en a bien plus de 1000...

On a longtemps discuté des ses deux parties d'elle-même, celle qui désirait plus que tout s'arracher à cette mère devenue trop lourde à porter pour ses bras de toute jeune adulte, pour enfin espérer être libre de "faire sa vie" et l'autre, la petite fille,  celle qui n'aspirait qu'à se laisser porter, engloutir, emporter dans cet amour sans concessions et sans oxygène

Elle m'a raconté son enfance fracassée entre cette femme, aimante mais si fragile, dévastée par la drogue et l'alcool, un père gentil mais absent de sa vie quotidienne et des grands-parents, totalemement impuissants face à la douleur de vivre de leur fille unique et à son inéluctable destruction et tentant le mieux possible d'apporter équillibre, attention et amour à leur petite-fille adorée.

On en était là de nos conversations jusqu'à ce matin...

Elle est arrivée avec quelques minutes d'avance comme souvent, elle s'est assise devant moi, bien droite et m'a regardé fixement, les mains posées à plat sur ses genoux :

 Hier matin Maman est morte,

et vous savez quoi ?

Ce matin en me levant, j'ai regardé le ciel bleu par la fenêtre et j'ai pensé, vous allez me prendre pour une folle mais je vais vous le dire quand même,

j'ai pensé,

c'est dingue, hier Maman est morte et pourtant les oiseaux continuent de voler et il y a toujours du vent qui fait bouger les feuilles de mes bambous ...

Des bisous