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Retour sur Julien Gracq

Publié le 28 août 2012 par Stella
Retour sur Julien Gracq

La forme d'une ville, de Julien Gracq, aux éditions de La Pléiade

Je voudrais revenir, juste un instant, sur La Forme d'une ville, de Julien Gracq. On ne découvre que sa propre ignorance, me disait souvent un mien camarade. J'ai retenu la formule. Il n'empêche que la découverte de cet écrivain, que je ne connaissais que de nom, est pour moi de la plus grande importance. Entré à La Pléiade "de son vivant", ce qui - aux dires de l'un de ses compatriotes nantais - est une exception remarquable, Julien Gracq a un parcours paradoxal. Membre du Parti communiste français depuis 1936, animateur d'une section de la CGT lorsqu'il était professeur d'histoire et géographie à Quimper, il est pourtant, dans l'écriture, d'une esthétique et d'une culture quasi proustiennes. Passionné par Edgar Poe, dont de nombreuses références figurent dans La Forme d'une ville, d'ailleurs, ainsi que par Jules Verne - qui est tout sauf un auteur pour les enfants - il a su donner à ses romans des accents à la fois surréalistes et rimbaldiens.

La Forme d'une ville est une longue promenade dans la ville de Nantes. Une visite dans les souvenirs de Julien Gracq, mais aussi dans ses impressions et ses réflexions. Doté d'une grande érudition, il use de titres, de références, de citations même - rédigées parfois de mémoire - pour planter des repères et fixer des bornes kilométriques dans le texte comme dans la ville. Ainsi, pour la visiteuse que je suis aujourd'hui et que j'ai été, hier, dans la vraie ville, c'est comme un jeu de piste qui se déroule sous mes yeux et que je tente, souvent en vain, de ressusciter dans ma mémoire. Je voudrais pouvoir me promener à nouveau en compagnie de mon guide, dont l'amour de sa ville a si bien su me convaincre, pour apprécier une fois encore les berges, les jardins, les maisons et les cours de cette cité ligérienne.

Je ne voudrais pas achever cette courte note sans vous parler du ressort secret qui a déclenché ma rencontre, extraordinaire finalement, que j'ai faite avec Nantes, Julien Gracq et La Forme d'une ville. Certes, j'avais une prédisposition favorable, puisque j'avais aimé la ville mais, n'eut été mon penchant pour la littérature, fatigue aidant je serais peut-être passée à côté de Julien Gracq sans vraiment le voir. Or, j'avais photographié l'immense éléphant qui se promène, à grand renfort de pistons et de vérins, sur l'île de Nantes qui, de friche industrielle qu'elle était au sortir des années 1980, après la fermeture des grands chantiers navals, est devenue le lieu de prédilection des amateurs d'art moderne et des jeunes gens de toute obédience.

Retour sur Julien Gracq

A Nantes, marche dans les rues un curieux éléphant de fer et de bois...

L'animal est plaisant et mérite le détour. Mais une question demeurait : pourquoi un éléphant ? Pourquoi pas une girafe ou, bien que nous ne soyons pas à Troyes, un cheval ? (oh oui, je sais, elle est un peu facile à faire...) Bref : pourquoi un éléphant à Nantes ? La Forme d'une ville me livra, par intermédiaire, la clef du mystère : dans La Maison à vapeur, roman de Jules Verne (natif de Nantes), le héros entreprend de visiter l'Inde au moyen d'un gigantesque éléphant de fer articulé, qui renferme une machine à vapeur faisant mouvoir ses pieds... Raison pour laquelle, à propos des tramways qu'il affectionne, Julien Gracq écrit : "Et certes, à bord d'une de ces séduisantes baladeuses nantaises, qui faisaient de tout itinéraire un chemin d'école buissonnière, j'aurais volontiers exploré indéfiniment les routes de France. Ne faisait-on pas ainsi des chemins de l'Inde, dans un de mes romans préférés de Jules Verne, à bord de La Maison à vapeur ?". François Delarozière et Pierre Orefice qui sont, à ma connaissance, les concepteurs de cette drôle de machine, sont gens bien cultivés.

Cette référence m'a révélé la magie du texte de Julien Gracq grâce, il me faut le dire, aux notes qui accompagnent l'édition de La Pléiade. Et pour comble de bonheur, le recueil que je lis actuellement contient un court texte intitulé A Rome or... c'est de cette ville que j'ai l'intention de vous entretenir un jour prochain !


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