Magazine Journal intime

Adieu Jean-Luc je t'aimais tant, c'est dur de mourir en été je sais

Publié le 29 août 2012 par Anaïs Valente

J'ai eu il y a quelques semaines une discussion passionnante sur le sujet du deuil (pas joyeuse, la discussion, non, mais passionnante et pleines d'infos utiles), et notamment sur les deuils "interdits" par la société, ou à tout le moins "non reconnus".

Déjà, de nos jours, j'ai pu le constater, un deuil normal, faut que ça aille vite : les gens sont sympas entre le décès et les funérailles, te demandent comment tu vas durant une semaine, puis emballé c'est pesé et oublié.  Il fut un temps où on portait le deuil.  Ça peut sembler ridicule, ces fringues noires, mais je leur trouve, tout bien réfléchi, une certaine utilité.

Mais les deuils interdits, là, y'a intérêt à se taire, à faire semblant de rien, à ne pas exprimer le moindre chagrin. 

Par exemple le deuil d'un animal domestique.  Une personne âgée vivant seule avec son chien-chien et ne voyant que lui de la journée vivra un deuil très difficile lorsque ce dernier rejoindra le paradis des chiens, car toute sa vie s'en verra bouleversée.  Je ne suis pas âgée et je vois autre chose durant ma journée que le rat et la souris dans ma vie, mais clair que, ne vivant qu'avec ces bestioles, leur départ aux paradis des rats et des souris me fera drôlement chialer.  Mais je devrai me taire.  Un animal, c'est un animal, t'as pas à être triste ma chtite Anaïs, sinon tu seras cataloguée malade mentale.

Autre exemple dont j'ignorais tout, et qui m'a vachement interpelée : le deuil d'une célébrité.  Spontanément, il semble ridicule de vivre un deuil suite au d'une star, qu'on ne connaît que via son petit ou grand écran ou sur papier glacé.  Et pourtant, en y repensant, je me suis souvenue de mes quinze jours de grippe y'aura bientôt deux ans.  Quinze jours à vivre avec Sophie Davant, matin, midi et soir.  Ainsi qu'avec Nagui, d'ailleurs.  Passque j'étais pas cap de bouger, de lire, de quoi que ce soit, et que seule la télé me tenait compagnie, vu ma contagiosité.  Et je me souviens m'être fait la réflexion, avec horreur, que certaines personnes ne voyaient que Sophie Davant de toute leur journée, et ce jour après jour après jour après jour.  Et j'ai pu alors comprendre combien la disparition d'une personnalité de la télé pouvait constituer un deuil.  Bon, moi, j'ai maté les émissions de Sophie quinze jours seulement, mais j'imagine une personne totalement esseulée, pour qui Sophie deviendrait quasiment un membre de la famille par substitution…  Une relation unilatérale, mais ô combien importante.

J'ai longuement repensé à cette discussion sur le deuil hier, en regardant l'émission hommage à Delarue, "Toute son histoire".  Surtout en braillant comme un veau durant plus de deux heures, en revoyant tous ces extraits de plus de vingt-cinq ans de télé, ces fous rires, ces moments d'émotion.  Et ces témoignages de ceux qui l'ont connu et aimé, notamment Frédéric Mitterrand, que je n'imaginais pas si émouvant.  Tous ces invités les larmes plein les yeux ne pouvaient pas me laisser indifférente.  Alors j'ai braillé, braillé et braillé encore, au grand dam de mes mouchoirs inondés.  Surtout lors de cet extrait d'une spéciale consacrée au cancer, en 2008, où témoignait Bernard Gireaudeau.  Même quand c'était drôle, je braillais encore et encore.

Et de me rendre compte que j'arrive à un âge où la chaise musicale commence à bosser ferme, à un âge où les stars de mon enfance ou de mon adolescence s'en vont petit à petit, à un âge où les générations "supérieures" de ma famille ne sont déjà plus de ce monde.  Et de réaliser que, durant quinze ans, finalement, j'ai eu rendez-vous avec Jean-Luc Delarue chaque mercredi soir, un rendez-vous à ne pas manquer, quel que soit le sujet.  On a beau faire, on a beau dire, ça crée un lien.  Et de me dire que cette sensation de tristesse intense, de vide bizarre, que ces larmes que j'ai versées au point d'en devenir rouge tomate, c'était finalement comme un petit bout de ce deuil "interdit".  Bien sûr, ma vie n'est pas chamboulée, elle ne va pas fondamentalement subir les conséquences de son décès, mais ça me fait une sorte de manque, c'est tout un pan de mon passé qui s'en est allé avec lui, et la nostalgie se mêle au chagrin quand je me dis qu'il est déjà ailleurs, chais pas où, mais ailleurs.


Retour à La Une de Logo Paperblog