Récit d’un accouchement naturel un jour de lune noire

Publié le 01 septembre 2012 par Madameparle

Cette semaine je laisse la place à Diane qui nous raconte la naissance de sa fille.

Et comme j’adore les coïncidences il se trouve qu’aujourd’hui c’est son anniversaire! Alors Diane passe une bien belle journée entourée des tiens!

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Nous sommes le 10 mars, il est 10h du matin, tu dors près de moi et je me décide à commencer le récit de ta naissance, encore si proche.

Il y a 5 jours et quelques heures, le travail commençait, à ce moment-là, je n’étais encore sûre de rien. Après tout, ça pouvait être une sorte d’entraînement, ça arrive souvent en fin de grossesse. Et puis surtout, depuis quelques jours, je regardais la date du 7 mars avec envie. Dans l’absolu, j’aurais bien aimé que tu restes dans mon ventre jusqu’au bout, ou presque. Ma grossesse s’était si bien déroulée, je ne voulais pas que ça cesse, d’autant qu’elle sera peut-être unique. Cela dit, le 7 mars avait absolument tout pour me plaire, une date pleine de symboles pour la naissance de ma lilipuce… Le 7, déjà, est un chiffre considéré comme magique. On y fête la Saint Félicité, il faut quand même avouer que c’est pas mal. Et pour couronner le tout, depuis longtemps, je savais qu’une lune noire était prévue à cette date, et, outre le pouvoir possible de la lune sur les naissances, cette lune noire placée à cette date-là, c’était un comble pour moi. Car des deux prénoms que nous envisagions pour toi, l’un est étroitement lié à cette lune noire. Autant dire que si tu décidais de venir au monde ce jour-là, le choix était vite fait !

Mais n’anticipons pas… Revenons d’abord au 6 mars… Après une journée du 5 assez calme en contractions douloureuses, je me disais que peut-être, la nuit du 5 au 6 serait plus reposante, je te demandais d’ailleurs de me laisser dormir, histoire que je sois en forme pour le jour J. Doux rêve ! J’ai quasiment passé une nuit blanche. Tes frère et soeurs étaient encore là, donc impossible pour moi d’être libre de mes faits et gestes, de prendre un bain pour vérifier que les contractions se calmaient, par exemple. J’avais quand même demandé à ton papa de passer à la pharmacie et j’ai pu prendre des suppositoires de Spasfon, mais l’effet restait très limité.

Une fois les enfants et mon homme levés, j’ai pris un bain. Moui, ça fait un peu de bien, mais léger… Je prends un Spasfon et je me remets au lit. J’ai dormi 1h30, je crois. J’ai passé la journée au lit, à part pour les repas. Au déjeuner, quelques contractions me gênent, mais ça reste gérable. Au goûter, idem… Malgré tout, je sens bien que me lever ne me réussit pas. Phil, qui m’avait déjà proposé la veille d’appeler son ex pour qu’elle récupère les enfants plus tôt, au cas où, me dit : « Bon, je vais l’appeler, c’est mieux, ça serait embêtant de se retrouver à 3h du mat’ à devoir se précipiter à la maternité avec les enfants… » Il appelle donc, la maman de ton frère et de tes soeurs vient les chercher pour 18h. Je leur dis au revoir, on blague en disant que la prochaine fois qu’on se verra, on sera sûrement un de plus…

J’avais envisagé que peut-être, avec leur départ, les choses allaient se calmer.

Non, les choses ne se sont pas calmées, au contraire.

Phil propose qu’on revoie le film Le Couperet, avec José Garcia.

Pendant le film, les contractions se rapprochent et reviennent toutes les 5 minutes. Il paraît qu’il faut aller à la maternité quand on contracte toutes les 5 minutes depuis 2h (pour un premier bébé). Au bout d’1h30, je me décide à appeler Paloma, ma sage-femme. Elle me répond, je lui explique la situation, et elle me dit qu’elle n’est pas à Paris, et ajoute que j’aurais dû appeler plus tôt, qu’elle ne serait pas partie… Regrets éternels ! En plus, elle est partie en train, impossible à cette heure-là (23H30) d’en avoir un pour revenir. Bref, n’en parlons plus, elle me dit d’aller à la clinique où nous aurions dû nous retrouver, elle va appeler pour leur dire que j’arrive. De mon côté, j’appelle Elodie, alias chouq’ des ZZ, qui habite à Nanterre elle aussi et s’était proposée de m’amener à la clinique si besoin. Elle répond présente.

Elodie m’appelle aussi, elle m’attend devant chez moi. On descend, moi, bloquée dans les escaliers par une contraction, Phil, obligé de remonter car il avait oublié l’appareil photo ! Heureusement que j’avais encore assez de présence d’esprit pour lui demander s’il y avait pensé !

Du coup, le temps qu’il remonte le chercher, j’avance vers Elodie péniblement, les contractions sont vraiment fortes (et toujours dans le dos). Elle me rejoint, m’accompagne, me cale à l’arrière (sur une serviette, j’avais prévu, on ne sait jamais, on ne va pas risquer de pourrir la voiture !), met les affaires dans le coffre. Phil arrive, il se met derrière avec moi, et on y va… Sur le chemin, Phil et Elodie déconnent, et moi, je ris du coup, mais je les engueule presque tellement c’est douloureux de rire…

Une fois là-bas, Phil nous précède histoire de vérifier où on doit aller exactement. Elodie m’aide à sortir de la voiture, on commence à avancer de notre côté.

On arrive, on me dit de sonner et de m’asseoir. Assez vite, quelqu’un vient nous chercher, Elodie reste au cas où ce serait une fausse alerte, pour pouvoir nous ramener. Manifestement, quelqu’un est arrivé entre temps, je ne suis pas la seule patiente. Une jeune femme me prend en charge, me demande d’aller faire pipi pour une analyse d’urine. Je plane, ça me fait bizarre de me trouver dans ces toilettes et de me dire que, si tout va bien, tu sera là dans la journée…

Une fois cela fait, je me retrouve dans une salle pour faire un monitoring puis une sage-femme me fait un premier toucher vaginal, col ouvert à 1 doigt, effacé… Punaise, tout ça pour un doigt ? J’ai la haine, sur le coup… . La sage-femme me dit qu’elle va me préparer un bain dans la salle Nature.

Ce premier bain (j’en prendrai quatre en tout !) fait plutôt du bien, même si les contractions ont tendance à s’intensifier dedans. Mais au moins, je peux me détendre, je somnole un peu, et le temps passe plus vite…

Lorsque je sors du bain, on me fait un nouveau monitoring, le col a progressé légèrement. On nous dit qu’on ne peut pas laisser nos affaires dans la salle Nature car il est possible que d’autres personnes arrivent et aient besoin de s’y retrouver. Notre chambre est prête, Phil y emmène donc mes affaires. Dans le même temps, comme personne d’autre n’a besoin de la salle, on me prépare un deuxième bain., je somnole beaucoup malgré les contractions, ton papa s’endort carrément, tout est très calme à ce moment-là…

Lorsque je sors du bain, on me propose d’aller voir ma chambre, de m’y reposer un peu, voire de marcher si j’y arrive, histoire de faire travailler le col. Nous allons donc jusqu’à la chambre, tant bien que mal, les contractions sont là toutes les 4 minutes environ, toujours dans le dos principalement, c’est très douloureux. Dans la chambre, je ne peux que m’allonger, et encore, je manipule la télécommande du lit jusqu’à trouver une position pas trop inconfortable. Je suis mieux dans un fauteuil, finalement, j’y reste un moment. Je discute avec ton papa… A un moment, je marche et suis obligée de m’appuyer contre un mur pour laisser passer la contraction. Vive la respiration apprise au yoga, qui me sauvera pas mal la mise. Une jeune femme tape et nous demande, dès que c’est possible, de revenir faire un monitoring.

Je ne supporte plus la chaise sur laquelle se déroule le monito, les contractions sont insupportables dessus. Une sage-femme me propose de me mettre en position assise et de m’appuyer sur une barre qu’on installe au-dessus. Elle dit à Phil de me masser le dos lorsque les contractions arrivent. La première se passe bien, mais après, c’est pire que tout… Donc on laissera tomber l’idée de la barre !

On m’examine en même temps que le monito : le col semble avoir bien progressé, il est à 4-5, si mes souvenirs sont bons. J’ose demander à la sage-femme (toujours la même, en fin de garde) si elle a une idée du temps que ça prendra pour que tu arrives. Elle hésite, mais finit par me dire que ça devrait donner un bébé pour midi environ. Je n’aurais jamais dû demander et elle n’aurait jamais dû me répondre, même si, sur le coup, ça m’a motivée, vu qu’il doit être 8 heures, je me dis que ça va peut-être vite passer…

Les deux sages-femmes que j’ai côtoyé pendant ces quelques heures me disent au revoir, elles ont fini leur service.

Je me retrouve donc prise en charge par de nouvelles personnes. Ca me déprime un peu, quand je pense que j’aurais dû être seule avec Paloma et  Phil ! Mais bon, je me motive, mon bébé sera là dans quelques heures, il faut y croire !

Les heures défilent, je me repose un peu dans  la chambre, je fais un nouveau monitoring, et là, surprise, mon col ne bouge presque plus… Je souffre énormément, toujours sur ce maudit fauteuil, on me dit qu’on va appeler la sage-femme de garde. Celle-ci s’appelle Caroline, sur le coup, elle ne me plaît pas trop.

Un peu avant midi, on me fait encore un monito, mais cette fois, il a lieu dans la salle Nature, l’autre salle étant occupée. Je suis mieux sur ce fauteuil-là… A ce moment-là, je ne sais pas que c’est exactement là que j’accoucherai ! Mon col évolue toujours très lentement, il doit être à 5-6, c’est perdu, je n’accoucherai pas vers midi, j’en suis même loin…

Retour dans la chambre, je doute. Je déprime un peu… On reste un moment, puis je retourne dans la salle Nature. Je suis crevée, je tente de me mettre sur un ballon pour aider mon col à s’ouvrir, mais je manque plusieurs fois de tomber car je somnole… Je me lève, je marche, je tente de me réveiller, aïe, une contraction, j’attrape la barre d’un chariot, je respire… Là, une jeune femme entre dans la pièce :

« Bonjour, je m’appelle Juliette, je suis élève sage-femme, je vais m’occuper de vous, ça va aller ? »

Je la regarde, tout de suite je vois que son regard a l’air sincèrement préoccupé par mon état… Du coup, je me confie :

« Non, ça ne va pas, j’ai mal, les choses n’avancent pas, je ne sais plus quoi faire ! »

Elle a su trouver les mots, et ce ne sera pas la seule fois. Elle me dit que c’est normal que ce soit long, c’est un premier bébé, que j’ai choisi un accouchement naturel donc, ce n’est pas évident mais qu’elle me trouve très courageuse. Les contractions arrivent en même temps qu’elle me parle, elle me voit respirer et me dit même qu’elle n’a jamais vu quelqu’un gérer les contractions aussi bien… Elle me propose de me faire couler un nouveau bain, car ça fait travailler mon col. J’accepte. Je me sens déjà mieux grâce à son discours. Le bain continue de me détendre, malgré la douleur. Ensuite, elle me fait un nouveau monitoring, et me propose un Spasfon par le cathéter, ça peut aider le col, m’a-t-elle dit. Je lui demande si ça calmera la douleur, elle me dit que non. Pourtant, à peine m’a-t-elle injecté le Spasfon, je me sens déjà mieux. Je me détends encore plus, et les contractions deviennent rapidement moins douloureuses. Il est possible du coup que ça ait ralenti ton arrivée, mais au moins, ça m’a donné un répit salutaire. Pendant une heure, je me sens bien, je reprends des forces et je reprends courage, surtout. Je me repose, du coup, pendant le monito, je mets les écouteurs de mon Ipod sur les oreilles, j’écoute du Radiohead, j’arrive à m’endormir légèrement. Il fait trop chaud, on m’ouvre une fenêtre. Je me sens bien, ouf… Phil profite de ce répit pour aller s’acheter à manger. Pour ma part, j’ai très très soif, mais on ne me laisse pas boire ou à peine et encore moins manger. Juliette m’autorise quand même un petit verre d’eau… Regret encore : avec Paloma, j’aurai eu le droit, même de manger !

Juliette revient, elle est contente de me voir mieux, elle m’examine, mon col s’est un peu ouvert, mais ce n’est pas encore ça. Je reste seule avec Phil un moment, quand elle revient, elle me propose plusieurs options : on laisse les choses se faire naturellement, mais ça peut être encore long, on me met un nouveau Spasfon dans une heure, mais comme ça fait effet sur mes contractions, pas sûr que ce soit une bonne idée, ou alors, on rompt la poche des eaux. Je lui demande comment ça se passe dans ce cas-là, elle m’explique que ça accélérera probablement les choses, mais que ça risque d’être plus douloureux qu’en laissant faire…

Comme à ce moment-là, je me sens bien, je lui dis qu’on va attendre. Elle me suggère d’essayer de marcher, encore une fois, pour faire travailler tout ça… On marche donc dans l’hôpital, avec des contractions toutes les deux minutes, c’est encore moins évident ! Malheureusement, elles recommencent à être très douloureuses, en plus… On revient, je dis que j’ai vraiment du mal à  marcher, je demande à savoir où ça en est, une autre Caroline s’occupe de moi, elle me dit que c’est inutile de m’examiner, il s’est passé trop peu de temps depuis la dernière fois,  elle me propose un nouveau monitoring et me demande de te stimuler, car tu dors. Tu m’étonnes, la journée est dure pour toi aussi ! J’essaie un moment, mais ça m’ennuie de t’embêter, et puis ce n’est pas très efficace, de toute façon ! Le temps me paraît de plus en plus long, personne ne vient nous voir, j’entends des bébés pousser leur premier cri autour de moi et je me demande quand viendra enfin mon tour. C’est dur… En plus, on m’oublie, au bout d’une heure, je demande à Phil d’aller voir, j’aimerais qu’il essaie de me trouver Juliette, mais quand il sort, il a à peine le temps de prononcer un mot que Caroline n°2 s’exclame «Zut, le monito ! » et vient me débarrasser, toute confuse. Apparemment, ils sont débordés. Elle m’examine, col à 8… Bonne nouvelle, je me sentais mouillée, ce ne sont pas les eaux, mais le bouchon muqueux qui est parti. Ca me permet d’espérer un peu.

Nous retournons dans la chambre.

Personne ne vient nous chercher, donc on finit par retourner du côté des salles d’examens. Personne dans la salle Nature, on s’y réinstalle, et je laisse la porte ouverte, histoire que quelqu’un vienne nous voir. A ce moment-là, je me sens très seule. Ca fait un moment que je n’ai plus vu de personnel, apparemment, pas mal de femmes sont arrivées récemment, donc on s’occupe d’elles, d’autant que la plupart veulent la péridurale, elles ont donc plus besoin d’eux que moi, techniquement parlant. Mais je me sens abandonnée, du coup, et je ne suis pas loin du désespoir. Il doit être 17h30 et je n’en vois plus la fin. Je suis très angoissée, et Phil ne m’est pas d’un grand secours car lui aussi est fatigué et de mauvaise humeur. Il essaie néanmoins de ne pas trop s’énerver et du coup me parle peu. Tant mieux, sur le coup, ça me déprime encore plus, mais il vaut mieux ça plutôt que de dire des trucs qu’il regretterait. Il avait du mal avec mon idée d’accouchement sans péri au départ, a fini par comprendre plus ou moins, mais pour lui, le progrès reste une bonne chose en la matière, et il a du mal à admettre qu’on accepte encore d’accoucher « dans la douleur ». D’ailleurs, il me balancera quand même quelques vannes suggérant qu’avec la péri, ça aurait été moins long. Rien n’est moins sûr, mais on ne saura jamais…

Une femme entre dans la salle, nous demande si ça va, je lui dis que non, que personne ne vient en plus et que ça me déprime. Elle me répond « On est très occupés, il faut attendre ». Elle ne me plaît pas. Désagréable à la fois physiquement et dans son discours, je la sens persifleuse, je n’aime pas ça du tout. Elle repart. Phil est d’accord avec moi, elle ne lui a pas plu non plus. On attend. Je finis par me mettre à pleurer, je souffre physiquement et mentalement, c’est une horreur, je commence à m’inquiéter pour mon bébé, je me demande si j’accoucherai bien ce jour-là et me dis que je n’aurai pas la force si ça dure encore longtemps. Phil me suggère d’appeler Paloma. Je finis par me décider. Elle est très surprise de savoir que je n’ai toujours pas accouché (elle m’avait appelée dans la matinée et se tenait aussi au courant via la maternité), elle pensait que c’était fait depuis un petit moment, elle sent ma détresse, essaie de me rassurer comme elle peut. Elle me dit de me mettre en chien de fusil et de me détendre comme Rosemarie (la prof de yoga) m’a appris. Je lui dis que ça me paraît impossible, que ça fait trop mal. Du coup, elle me suggère d’aller trouver le personnel, d’en rajouter (pas besoin !), de leur dire que je n’en peux plus, que je veux bien avoir la péridurale si ça peut les décider à me reprendre en charge. Je raccroche, j’essaie de me détendre un peu, mais évidemment, je n’y parviens pas. Je finis par sortir de la pièce, à la recherche de quelqu’un, je tombe sur Caroline, je lui dis :

« J’en peux plus, j’ai trop mal, j’ai peur, il faut que quelqu’un s’occupe de moi, donnez-moi la péridurale, c’est pas grave, je suis trop fatiguée ! »

Là, je vois la même bonne femme désagréable apparaître et elle me redit « Je vous ai dit qu’il faut attendre ! » Je la hais ! Mais Caroline l’ignore, me prend par les épaules et me dit : « Je suis désolée, il y a eu un rush, là, on était occupés, venez, on va voir où vous en êtes… » Une contraction me prend, je m’arrête, elle est douce, me masse le dos, on avance doucement jusqu’à la salle. Je l’aime ! (alors qu’elle ne m’inspirait pas beaucoup quand je l’ai vue le matin…) Elle me dit qu’il n’y a pas de raison que je prenne la péridurale, ce serait dommage maintenant, il faut que je tienne.

Elle m’examine, le col est à 8-9, mais la poche n’est toujours pas percée et tu n’es toujours pas engagée. Elle me fait pousser, pour voir, car parfois, ça fait avancer les choses. Je n’ai pas trop de mal puisque j’ai déjà envie de pousser depuis un moment. Elle me suggère de prendre encore un bain. Je lui dis que c’est vraiment trop douloureux les contractions dans le bain. Elle m’encourage, me dit que si je refuse tout, ça risque d’être vraiment long. J’accepte donc ce dernier bain. Je lui demande si Juliette est encore là, car j’aimerais la voir. Elle me dit qu’elle est occupée sur un autre accouchement, mais qu’elle va lui dire de venir dès que possible.

Je me plonge dans l’eau, j’essaie de me détendre mais ce n’est pas facile. Je continue d’avoir envie de pousser pendant les contractions, tant pis si ce n’est pas encore le moment, je pousse, je ne peux pas m’en empêcher ! Juliette entre dans la salle, s’installe en face de moi, à côté de la baignoire. Elle me demande ce qui ne va pas, là, je me lâche encore plus que la première fois que je me suis confiée à elle, j’avais déjà commencé avec Phil juste avant. Je lui dis en vrac que c’était trop long, que je commence à me demander si j’accoucherais ce jour-là, que je me sens nulle, j’ai l’impression de foirer mon accouchement, que je n’aurai jamais la force de pousser tant je suis fatiguée, j’ai soif, j’ai faim, j’ai peur de mettre ma fille en danger à force que ça dure, et puis c’est bizarre, j’ai envie de pousser…

Et qu’a-t-elle fait ? Encore une fois, elle a su me parler. Elle m’a redit des choses qu’elle avait déjà dit la première fois et m’a assuré que je ne te mettais pas en danger, que tout allait bien, que j’accoucherai dans les heures qui suivaient, que j’étais très courageuse et de ne pas m’inquiéter car les femmes, même épuisées, trouvent toujours la force de pousser, surtout sans péridurale puisqu’on sent mieux ce qui se passe. Elle, je ne l’aime pas, je la vénère carrément. Comme je l’ai dit par la suite à Paloma, heureusement que Juliette était là, elle m’a presque sauvé la vie ce jour-là… J’espère qu’elle restera comme elle est, elle fera une sage-femme formidable…

Elle me demande si elle peut me laisser, je lui demande jusqu’à quelle heure elle est là, jusqu’à 20h me répond-elle, et là, je t’ordonne de sortir avant car je ne veux pas accoucher sans elle ! Elle part en m’assurant qu’elle reviendra dès que possible.

Assez rapidement, j’en ai marre d’être dans le bain, donc je décide de sortir. Je me sens vraiment bizarre, et quand j’enjambe la baignoire, je me dis que c’est vraiment étrange cette pression, en bas. Est-ce encore un besoin de vider mes intestins ou bien autre chose ? Je prends mon courage à deux mains et décide de vérifier, quand même, au cas où. Je touche… quelque chose… Une tête ???

« Phil, je sens un truc ! ! ! »

Phil me regarde, mi-surpris, mi-riant (apparemment, la façon dont j’ai dit ça valait le coup !), se précipite sur la sonnette, sonne pas mal de coups apparemment, la porte s’ouvre très vite, c’est Caroline, Phil lui dit « Elle accouche ! », Caroline se retourne « Elle accouche ! Vite, un plateau d’accouchement ! »

Elle me rejoint, deux autres jeunes femmes rappliquent, il y a presque trop de monde tout à coup ! Elle me dit : « Restez comme ça, je vous examine », elle touche, me dit : « C’est la poche », et plof, dans la foulée, c’est l’inondation, trop bombée, la poche avait cédé !

On me fait me rallonger sur le fauteuil de monitoring, la salle Nature est seulement une salle de travail, mais ce n’est pas grave, elle se transformera en salle d’accouchement pour l’occasion ! Il est 18h40 environ, je me sens presque bien, je suis excitée de te savoir bientôt parmi nous, ça me redonne de l’énergie. Il y a un plateau pour une éventuelle épisiotomie, je leur dis que si elles peuvent éviter de l’utiliser, je préfère, et Caroline me répond qu’il n’y a pas de problème, qu’elles en ont fait une dans la journée et c’est déjà une de trop !

Juliette entre à son tour, c’est elle qui prend la place de l’accoucheuse, je suis contente… Elle me demande si on m’a appris une technique pour pousser, je dis que oui, mais bien évidemment, je ne sais plus comment faire, entre la fatigue et l’énervement ! Elle me fait ramener mes jambes sur le ventre, et m’encourage à pousser comme pour aller à la selle… Oui, logique, Paloma nous avait dit que c’était pareil…

Une contraction arrive, je pousse, mais apparemment, ce n’est pas encore ça, c’est tellement difficile. Lors des suivantes, je me lâche, moi tellement réservée, je me laisse aller, je trouve « mon » cri, je hurle comme une malade, non pas parce que j’ai mal, je sens à peine la douleur des contractions à ce moment-là, et toi, tu ne me fais pas mal, non je hurle pour me motiver, pour m’aider à pousser, comme beaucoup de femmes le font. Je repense à la femme que j’ai entendu hurler quelques heures plus tôt, alors que j’étais sous monito, ça m’avait presque fait peur, et là, je me dis que je dois faire peur à d’autres femmes à mon tour !

Je trouvais que Juliette et les autres faisaient une drôle de tête, je regardais le monito qu’on m’avait installé pour vérifier que tout allait bien, ça avait l’air, mais j’ai quand même demandé : « Elle va bien ? » « Ouiii ! » Avec le recul, je me dis que Juliette était peut-être tout simplement très émue, qui sait, c’était peut-être la première fois qu’elle prenait les commandes d’un accouchement, je ne lui ai pas demandé, je regrette un peu, tant pis !

Je ne sais pas combien de fois j’ai poussé, ta tête est arrivée assez vite vers la sortie, mais après, il m’en a fallu plusieurs pour que tu sortes complètement. Ton papa m’a tenu la main de bout en bout, il m’a encouragée, à un moment, il a regardé et m’a dit  : « Là, je pense qu’à la prochaine, c’est la bonne, parole d’expert ! » Je vois Juliette sourire…

Tout ça me donne un courage fou. A la contraction suivante, je pousse, je pousse, je hurle, je me surpasse… Et là, je te vois, Juliette te pose sur mon ventre… Mon bébé… Mon amour… Tu es là… On propose à Phil de couper le cordon, mais ce n’est pas son truc, ça le dégoûte, il ne l’a fait pour aucun de ses enfants. Du coup, c’est moi qui l’ai coupé !

Je te regarde, tu dors ! Tu n’a même pas pleuré (moi non plus, d’ailleurs !), à peine un ou deux petits cris qui ressemblaient à des couinements et là, tu somnoles sur mon ventre. Ca a été tellement long pour toi aussi, tu dois être bien fatiguée… Je dis à ton papa  « Elle est belle, non ? » Il approuve… J’ajoute : « Elle n’est même pas fripée et elle ne sent pas mauvais ! » Il sourit, il m’avait pas mal taquiné avec ça, « Tu verras, un bébé qui vient de naître, ça pue, c’est fripé et sale ! » Toi, tu étais toute belle, sans doute parce que tu as été longtemps protégée par la poche des eaux. C’est sans doute ça aussi qui fait que l’ostéopathe te trouvera aussi bien, ta tête n’a pas souffert de l’accouchement, contrairement à beaucoup de bébés.

On tente une première mise au sein, mais tu es trop fatiguée, tu préfères dormir…

Juliette nous demande le prénom, elle nous avait demandé à plusieurs reprises pendant la poussée, mais nous voulions le garder pour nous jusqu’au bout, d’autant qu’il y en avait encore deux en balance, même si celui que nous avons finalement choisi était quasiment certain… Mais là, c’était l’évidence…

« Lilith »

« Lilith ? C’est joli, ça vient d’où ? »

« C’est une démone, la première femme d’Adam aussi, selon certains textes, et c’est l’un des noms de la lune noire aussi, et c’est la lune noire aujourd’hui ! »

Eh oui, notre petite Lilith, 47 cm et 2,810 kg, après bien des efforts et sans péridurale, est    arrivée sur cette terre le 7 mars 2008, jour de nouvelle lune et de Sainte Félicité, à 19h17.

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