À propos d’Une affaire de nègres d’Osvalde Lewat. Un film politique d’émotion et de réflexion.
On a vu des films passionnants à l’enseigne du récent 7e Festival Cinémas d’Afrique de Lausanne, mais aucun qui atteigne, par sa valeur de témoignage pour mémoire, et son propos plus général sur la démocratie et ses angles morts, autant que par ses qualités plastiques, le niveau d’Une affaire de nègres, production franco-camerounaise datant de 2008 et dont il faut préciser qu’il n’a jamais été projeté au Cameroun.
En exergue du film, une réflexion du Nobel de littérature nigérian Wole Soyinka mérite d’être citée : « On dit des Africains qu’ils ne sont pas prêts pour la démocratie, alors je m’interroge : ont-ils jamais été prêts pour la dictature « ?
Ouvrant son film sur une émouvante cérémonie de deuil, que d’autres suivront, la réalisatrice camerounaise a recueilli de nombreux témoignages de parents de disparus ou de rescapés, alternant avec les dépositions d’un avocat très impliqué dans la défense des victimes, d’un patron de presse et d’un journaliste ou encore d’un homme politique jetant un regard grinçant sur le fonctionnement des institutions de son pays.
Le pas de trop sera franchi avec l’exécution de neuf jeunes gens dénoncés comme voleurs par une voisine jalouse qui avait prétendu qu'ils avaient pris sa bouteille de gaz. Ainsi les "9 de Bepanda" seront-ils l'objet d'une polémique lancée par la presse et relayée par des manifestations, mais une parodie de procès aboutira au blanchiment des militaires.
"Pour le Camerounais, mieux vaut vivre à genoux que de mourir debout", commente l'homme politique désabusé, tandis que l’avocat Momo Jean de Dieu (sic) prend sur lui la défense des victimes en dépit des menaces de mort le frappant lui et ses enfants.
Par delà le drame en question, le film débouche sur une mise en accusation de la « démocratie tropicalisée », et plus généralement du consentement de toute une société, autant que de l’indifférence occidentale ne voyant là qu’un « affaire de nègres »...
Les « nègres » du film, en ces temps où le racisme primaire recommence de faire florès dans les pays dits civilisés, illustrent magnifiquement, en l'occurrence, l’exigence de dignité fondant ce qu'on pourrait dire la ressemblance humaine dans cette oeuvre nécessaire dont il faut souligner, enfin, les grandes qualités esthétiques.