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JUSTICE ( Cameroun) : Les marafistes et les anti-marafistes

Publié le 02 septembre 2012 par Menye Alain

TRIBUNE LIBRE DE CHARLES JENGOU LOTTIN*

Charles Jengou Lottin

Charles Jengou Lottin

De mémoire d’homme,  une situation politique délétère aussi sévère n’a jamais été enregistrée au Cameroun. Bien que ce pays ait connu deux périodes pré et postcoloniale meurtrières, qui, ont elles même laissé des meurtrissures dans le psychique des Camerounais d’une certaine génération, il n’a jamais connu autant de scandales politico-juridiques.  Il y a eu des procès des détournements de fonds publics après la Coupe des Nations de 1972 avec la furie du président Ahidjo sur le ministre de la jeunesse et des sports de  cette période, François-Xavier Ngoubeyou.  Alors que les cicatrices de la répression génocidaire dans les pays BASSA ET BAMILEKE auraient pu fragiliser la voûte de l’unité nationale qui avait conduit aux dérives autoritaires du président Ahidjo. Cette période bien imprimée dans certaines mémoires  commence  à s’estomper vers les cimetières de la République  sans pour autant avoir été consignée dans les archives que pourraient consulter les chercheurs et les journalistes.

Fast Forward  Aout 2012: Le Cameroun s’enlise dans une série de procès des hommes d’Etat, anciens ministres d’Etat, secrétaires généraux à la Présidence et autres hauts commis de l’Etat tous saisis dans la nasse de l’opération dite Epervier, et il y en a jamais eu autant d’encre qui coule, autant de débats à la radio, à la la télévision et surtout sur Internet.  L’une des personnalités qui fait couler le plus d’encre et à juste titre est  le sieur MARAFA HAMIDOU, ancien secrétaire général de la présidence de la République du Cameroun, donc personnalité au poste très important dans le protocole d’Etat et surtout très proche collaborateur du président Paul Biya, commanditaire de l’opération main propre (Epervier) dont le but est d’enrayer la corruption sous la demande des Institutions financières de Bretton Woods.

Hold on, Le procès de Marafa Hamidou, ancien secrétaire général à la présidence de la République, ancien ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale et ingénieur en pétrochimie de son état, connaitra un dénouement certain d’ici la quinzaine prochaine et  quelque soit le verdict, ce procès va certainement diviser la Nation camerounaise.

Nous aurons d’un coté les marafistes qui clameront injustice et réclameront justice s’il est condamné et de l’autre des anti-marafistes qui eux  se réjouiront s’il est condamné. Au milieu de tout cet embrouillamini les juges qui, dit-on, sont à la solde de l’Exécutif qui, lui a piloté le procès depuis le Palais de l’Unité.  Mon radar et tous les indicateurs des tendances prélevés sur des échantillons d’opinion bien informés me poussent déjà vers une position victorhuguesque.   

Mon « J’accuse » à moi arrivera trop tard, parce que Marafa Hamidou lui-même m’a déjà ravi la vedette lors de ses activités épistolaires en quatre épisodes d’avant procès en plein univers carcéral. L’enthousiasme alors généré a fait de lui à la fois la coqueluche et en même temps un épouvantail de la presse. Cette dernière va  créer un environnement délétère bien fourni par des gorges profondes des pontes du RDPC  ( parti au pouvoir) dont les chèques et subsides garantissent des revenues de certaines rédactions moribondes qui se font un plaisir d’asperger l’opinion publique de scoops.  Les contre scoops sont aussi virulents et semblent être nourris par tous ceux qui veulent le changement et attaquent le gouvernement à souhait.

Les Marafistes bien retranchés dans leur position pensent que le pays vit un cauchemar politique parce que l’opération Epervier est un complot ourdi et fait des basses manœuvres du palais d’Etoudi dont l’ultime but est d’oblitérer les velléités d’une génération de potentiels leaders qui réclament leur place au sein même du parti du président Paul Biya. Les marafistes viennent d’avoir leur héroïne en la personne de me Alice Nkom, vétéran du barreau camerounais, défenseuse patentée des droits des homosexuels et l’une des avocates de Marafa Hamidou. Dans un entretien récent à la presse, elle a tranché dans le vif sur le sujet en estimant que le procès Marafa était suspect et regrettable…elle a renchérit en tirant à boulets rouges sur les commanditaires de l’opération Épervier, accusant l’exécutif comme étant un proxénète de la justice. Ouch !!! Me Kom a la prétention de connaitre les dossiers de son pays puisqu’elle officie depuis les années 70 et son intégrité, sa repartie et son courage la positionne comme  une marianiste. Au moment de la rédaction de cet article, le site du Le Messager est piraté mais ici se trouve l’entretien de Me Nkom, sur Cameroonvoice.

Chez les anti-marafistes je cherche un héros ou une héroïne mais n’en vois pas du tout jusqu’à ce que je tombe sur le blog d’Allain Jules, chroniqueur  virulent devant l’Eternel, qui ne s’attarde pas souvent sur la situation politique mais qui cette fois nous fournit un dossier sur son site intitulé MARAFA HAMIDOU YAYA, UN FEYMAN EN GANDOURA. Double ouch !!!   Allain Jules est une plume qui compte et s’est fait une réputation comme journaliste cybernétique dont la substance des  articles, l’analyse des faits  sont à contre-courant  des perspectives idéologiques des medias occidentaux. Il refusera peut-être l’accolade d’anti-marafiste mais ses écrits le lui octroient.

Entre les deux camps il y a les observateurs indécis. Quels lâches !!! Il faut choisir son camp, l’avenir du pays en dépend. Les classes bien pensantes remplies d’un cynisme saugrenu qui ne plongent jamais pour un camp ou pour un autre, qui attendent que les choses s’arrangent, que la situation se décante  d’elles-mêmes et sont des commentateurs de l’ombre, spécialistes des ragots de salon. Ils vous reprochent de ne pas savoir de quoi vous parlez parce que, eux, ils ont quelqu’un derrière, quelqu’un qui a quelqu’un ; excusez  l’expression l’idiomatique de chez nous.  Ils ont un oncle au RDPC, un cousin à la Présidence, un autre au ministère des Forces armées etc…Ils justifient leur attentisme amorphe par « rien ne va changer », le « dossier de Marafa est miné ». Les courtisans de l’ombre, ils ne sont pas du RDPC et méprisent l’opposition. Les médias ne s’occupent pas de la politique du pays, elle ne les intéresse pas du tout, jusqu’à ce qu’un membre de leur famille soit éperviable ou en indélicatesse avec la loi. Ils lisent Paris Match, regardent TF1, sont toujours entre deux avions pour un petit tour en Occident. En Occident, ils ne fréquentent pas les milieux camerounais, ils ont des amis étrangers. Et par conséquent, ces gens-là sont les plus dangereux, parce qu’ils sont les complices de la délation silencieuse en public mais prolixe en privée. Ils sont déjà prêts à partir si la situation devient explosive.

Je viens de trouver la cible de mon « J’accuse », et viens de rentrer dans le camp victorhuguesque, ni marafiste ni anti-marafiste.    

*CHARLES JENGOU LOTTIN est un homme de médias, journaliste et producteur indépendant. Il vit à Londres, en Angleterre. 


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