À propos d’Empire of dust, qui documente les menées d’une entreprise chinoise au Katanga. Vu récemment au 7e Festival des Cinémas d’Afrique, à Lausanne.
Eddy nous lance un « Bonjour tout le monde » en chinois, langue dans laquelle on le surnomme Dragon éternel. Cocasse pour un grand Noir jovial à bonnet de coton rouge, né à Kinshasa et employé comme interprète sur le nouveau chantier de la CREC (Chinese Railway Engineering Company), visant la reconstruction de la liaison routière avec la capitale Lubumbashi. L’implantation en question se situe à une vingtaine de kilomètres de Kolwezi, de fameuse mémoire minière. Ses cadres et ses camions sont chinois, mais ses ouvriers se recrutent parmi les « singes » locaux, ainsi que les Chinois les appellent aimablement, qui leur rendent la politesse en les taxant non moins affablement de « cochons ». Lorsque Eddy explique les desiderata de l'ingénieur chinois qu’il accompagne à un cadre africain, il lui dit comme ça : « Je te parle en swahili pour que le nabot ne comprenne pas… ».
Mais les relations entre Dragon éternel et le contremaître chinois n’en sont pas moins cordiales en dépit des vannes que celui-ci balance à celui-là, genre « t’es vraiment paresseux, tes colles ! », eu égard à la souriante nonchalance d’Eddy le Congolais.
Or il faut reconnaître que bosser avec des « singes » pas trop pressés de se fouler, quand on est un « cochon » imbu des avancées de son peuple, requiert une certaine patience. Parce que notre contremaître, qui a des comptes à rendre aux pontes de la CREC, est attaché au respect de l’horaire et du matériel. Mais pour lui, le simple fait de commander du gravier, de le faire concasser au format, puis de le faire transporter sur le chantier de la future cimenterie relève des travaux d’un véritable Sisyphe ! De fait, les cadres locaux ne sont jamais à l’heure, le matériel (les camions surtout) n’est pas toujours bien traité, sans compter les larcins – punis illico par des retenues de salaires.
On ne sait pas trop ce que se disent les Chinois entre eux, mais les constats, à la fois réalistes et fatalistes, de l'ingénieur chinois, se nuancent de compréhension au fil des séquences. D’abord parce qu’il partage la rude vie des ouvriers. Ensuite parce qu’il ne saurait leur reprocher le climat plombant ni le « gâchis », selon son expression, qui a suivi le départ des Belges.
Focalisé sur cet exemple de « cohabitation » problématique, le film Empire of Dust, dont le titre polysémique est illustré par de récurrente images, quasi fantomatiques, de pistes ennuagées de poussière, s’en tient à un constat, frisant parfois le surréalisme, sans documenter les tenants historiques ou économico-politiques de la situation
Une fois de plus, et c’est un fait qui tend à se généraliser dans les nouveaux docus du "cinéma du réel", on montre plus qu’on ne dénonce. Au spectateur de tirer ses conclusions et de compléter son info dans les articles et les livres (déjà nombreux) qui éclairent l’espèce de néo-colonialisme chinois en Afrique.
Le sieur JLK et son ami Max Lobe devraient se pointer, dans une vingtaine de jours, en ces lieux « en chantier » du Katanga. D’autres « notes » pourraient en découler sur ce blog…
Bram Van Paesschen. Empire of dust. Congo/Belgique, 2011.