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M. Châtel et le "redressement intellectuel et moral'

Publié le 03 septembre 2012 par Hermas

l est fréquent qu’au détour d’une conversation portant sur la crise, l’école, les mœurs, que sais-je, chacun se demande si ce pays est réformable. Il l’est autant que toute situation peut l’être, à dire vrai. Mais pour qu’une situation soit réformable et puisse être réformée, de fait, encore faut-il que certaines conditions soient satisfaites.

La première d’entre toutes est la lucidité. Non pas seulement pour saisir que les choses ne vont pas mais surtout pour comprendre ce qui les rend anormales. Il ne sert de rien à des parents, par exemple, de voir que leurs enfants deviennent des voyous s’ils ne sont pas à même de discerner ce qui, dans l’éducation donnée ou les fréquentations entretenues, est cause d’une telle évolution. Il ne sert de rien non plus à un malade de savoir qu'il a mal si ce mal ne porte pas un nom clairement identifié.

Tout mal, en tout domaine, requiert un diagnostic, et un diagnostic juste. Le diagnostic juste, fondé sur la connaissance de ce qui constitue la norme de la chose examinée, permet de mettre en évidence ce qui ne lui est pas conforme, ce qui est un désordre, un dérèglement. La connaissance des lois de la mécanique permet au garagiste de diagnostiquer ce qui ne fonctionne pas dans un moteur ; la connaissance des lois du corps ou de l’esprit humains permet au médecin de diagnostiquer ce qui ne fonctionne pas chez un malade ; la connaissance des lois de la moralité permet au moraliste, ou à chacun en tant que gouverneur de soi-même, de diagnostiquer ce qui est désordonné dans le comportement humain, collectif ou individuel.

Dans notre société en crises multiples, les Diafoirus abondent, qui préconisent d’ailleurs ordinairement de soigner les maux en les augmentant ou en les diversifiant. Rares, en revanche, sont ceux qui sont en mesure de discerner ce qui est cause de ces crises, ce qui les caractérise et, partant, ce qui est de nature à les guérir. Dans les pseudo-élites politiciennes, en particulier, nombre d’esprits sont tellement embrumés par le relativisme et par une sorte d’imbécilité à l’égard du réel qu’ils en ont perdu toute norme de discernement. Ce sont des aveugles conduisant d’autres aveugles.

es exemples, hélas, abondent. M. Châtel, qui devrait plutôt œuvrer à faire oublier qu’il ait pu, sans rougir, avec son bagage de comptable et d’employé de L’Oréal, exercer les fonctions de Ministre de l’Éducation nationale, en offre un exemple récent. Le Ministre actuel, M. Peillon, ayant évoqué la nécessité d’opérer un « redressement intellectuel et moral », M. Châtel, qui à lui seul semblerait pourtant justifier une telle nécessité, n’a pu s’empêcher de charger son successeur sur son “compte twitter” – puisque désormais, comme les gamins, les politiciens sont mus par le prurit d’épancher leurs humeurs sur les “réseaux sociaux”. Il lui a reproché d’avoir ainsi, dans une « effarante interview » (sic), repris « mot pour mot l’appel du maréchal Pétain le 25 juin 1940 », sans omettre d’évoquer évidemment, comme tous les perroquets politiciens, « les pages sombres de l'Histoire de France ».

Cette réaction est caractéristique du niveau « intellectuel et moral » (pardon) de ces pseudo-élites politiciennes. Elles ne s’attachent qu’aux mots, à leur sonorité, aux affects idéologiques que cette sonorité titille. M. Châtel n’a pas la capacité « intellectuelle et morale » (pardon) de se demander si le redressement évoqué par M. Peillon est nécessaire ou non. Seul l’indigne le fait que les mêmes mots aient été utilisés par Pétain. Il n’est d’ailleurs pas plus capable de se demander si les propos du même Pétain étaient alors fondés, lorsqu’il déclarait, au lendemain de l’incroyable défaite de 1940 : « Notre défaite est venue de nos relâchements. L'esprit de jouissance détruit ce que l'esprit de sacrifice a édifié. C'est à un redressement intellectuel et moral que, d'abord, je vous convie. Français, vous l'accomplirez et vous verrez, je vous le jure, une France neuve sortir de votre ferveur ».

La question n’est pas ici de savoir si M. Peillon est capable de travailler lui-même au redressement qu’il évoque, alors que sa famille politique, qui s’apprête à faire des avancées jugées capitales en faveur de l’homosexualité et de l’euthanasie, a toujours été aux avant-postes, en France comme ailleurs, de la ruine de la moralité individuelle et publique et de la subversion de la culture. La question n’est pas non plus de savoir ce que le même M. Peillon entend faire entrer sous cette noble expression de « redressement intellectuel et moral », ni si cette expression, qui traduit une légitime inquiétude, ne servira pas à justifier l’instillation accélérée d’un prêt-à-penser idéologique sur la découpe duquel droite et gauche trouvent plus d’accords que de désaccords. Elle n’est que de souligner cette bêtise grasse, satisfaite d’elle-même, moralisatrice à quatre sous, insupportable, qui règne en maître et sert aujourd’hui de norme de jugement à tant de politiciens du jour.

Alors, au fait, la situation est-elle réformable ? Entre de telles mains, assurément, les choses ne sont pas gagnées !


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