L’important dans la photographie, et dans toute représentation visuelle, c’est le point de vue. En dehors du cadrage, la composition consiste également à mettre en valeur un élément grâce à différents systèmes de mise au point. Les usages photographiques actuels tendent plutôt vers la netteté d’un élément particulier. Il en va d’une prise de décision du photographe au moment du clic : « ça, ça sera net, le reste moins, je veux montrer ça ». Le projet de Lytro va peut être de changer la donne…
Un projet photographique
Lytro c’est la prise en compte d’un besoin et d’une demande. Nous sommes dans une ère numérique où le geste photographique est d’une simplicité plus qu’enfantine. Nous sommes nés avec des photographies autour de nous et nous vivons avec. Et que vous soyez connaisseurs ou non en photographie, vous ressentez une nécessité de montrer quelque chose quand vous dégainez votre appareil.
Or, la mise au point sélective est quelque chose de bien connu pour mettre en valeur un élément. Mais elle n’est techniquement pas à la portée de tout le monde, au sens où on n’a pas tous le temps de s’intéresser à la technique photographique. Par ailleurs, en plus d’être à l’ère du tout numérique, nous sommes aussi à l’ère du tout automatique et de la retouche numérique.
J’ai parlé plus haut du choix du photographe, qui sacralise quelque peu l’instant où on prend la photographie. C’est le moment déterminant ou on va mettre en valeur un élément ou un autre en faisant sa mise au point. Lytro va retarder le processus.
Une philosophie aussi
On a tendance à accorder à la photographie la capacité de montrer une réalité. Le cadrage isole un point de vue, la mise au point isole un élément.
Le principe d’un appareil photo Lytro – qui coûte plus de 300 US $ – est de capturer tous les éléments de la photographie de la manière la plus nette possible. L’utilisateur pourra déterminer la mise au point plus tard. C’est un peu magique : on choisit le plan qui sera net APRÈS.
Bien entendu ce type de procédé nécessite un appareil très étudié. Je vous invite à lire la description technique qui nous montre comment ils ont réussi à mettre au point un jeu de lentilles qui va capturer tous les champs de lumières émis.
Au sujet de la retouche photo
- Les célèbres marines de Gustav Le Gray sont des superpositions de plusieurs épreuves photographiques (au collodion). C’est une retouche photographique qui permet de parer les problèmes de luminosité. Au XIXe siècle on avait déjà pensé à prendre tous les points de vue. On ne réinvente pas la poudre si facilement. :-)
Il me semble que le débat autour de la retouche photographique n’est pas si vieux que cela, ou pas si neuf justement. En effet, on accuse la retouche photographique de diabolique à partir du moment où on considère la photographie comme devant être représentative de la réalité. Or, avec le point de vue, la mise au point, la composition… on sait bien que la photographie représente plutôt une réalité parmi tant d’autres.
Le procédé proposé par Lycro est assez ironique au sens où la retouche, la post production, va être l’outil pour déterminer un point de vue à partir d’une photographie qui n’en a pas. Pour reformuler mon propos, ici c’est la retouche photo qui va montrer une réalité au lieu de la déformer.
Un gadget qui en dit long
Oui c’est un gadget, non cela ne révolutionne pas la photographie, non cela ne va pas changer ma vie.
Néanmoins, il est tout de même intéressant de noter cette évolution dans l’usage qu’on a de la photographie. Vous savez, la photographie, ce mode de représentation que vous utilisez tous les jours pour montrer, déterminer, démontrer, cacher, convaincre…
La mise au point après-coup, c’est retarder la prise de décision, c’est prendre son temps alors que la photographie est le lieu de l’instantanéité. Parce que quelque soit l’époque et quelque soit la technologie photographique, elle a toujours été une seule image prise d’un seul tenant. Et nos amis de chez Lytro avec sa bande de chercheurs en optique et de photographes vient de changer cela. Ils ont fait de la photographie, en tant qu’objet, une infinité d’images.