1.
Bonjour
Quel jour sommes-nous ?
Quel temps fait-il ?
Comment t’appelles-tu ?
As-tu un nom ?
Qui te l’a donné ?
Où es-tu ?
le dedans est le dehors : S’il te plaît
parle-moi du temps qu’il fait
2.
… Ensuite on sait
l’île. Le dos noir
de la tortue, les dagues ventées de noir –
voici la fermeture de l’île.
Le port, un buste de Chirico
Le port. L’eau-peau
ondule. Des rumeurs encensent
les coteaux poivrés ; arbres, ifs,
et orgues -
3.
Le matin se lève sur la ville
Le matin se lève l’image m’échappe
Le ciel couperosé
Les ronds que dessinent mon stylo
Douze milliards d’yeux
Mais aucun regard excepté le mien
Hic et nunc
Le jour si beau déjà perd tout son sang
4.
Les cris de joie
La pulsation du ruisseau sur les pierres
Le soir venu
L’haleine de la déesse se répand
dans les sous-bois :
Je suis la différence entre le bien et le mal
Si je me retourne
La lune verte se déverse dans un bruit de pierres
5.
J’ai traversé le pays des monts de glace,
Longé le lac des mille miroirs aveugles
Où les oiseaux disparaissent, gens de papier
sur les plages, immobiles,
nourrissant des feux de cailloux
J’ai vu l’arbre retourner à la terre
et le soir une porte se fermer
jusque sur mes yeux,
L’œil chevauchant l’aile
l’aile parfumant tout ce qu’elle voit
6.
Le pays est immense.
il contient toute ma vie
j’en connais les confins.
la nuit l’emplit entièrement.
Ses teintes varient : chocolat, velours, café,
néon, blanche.
Un soleil neurologique s’abîme parfois
à la limite
où logent les pieuvres, les cachalots,
Lucifer.
Car j’aiguise ma lame.
au milieu des sables,
mon foyer.
L’Amant donnes des escarbilles de silence
en gage.
7.
J’ai vu le grand océan
la terre brune et la tortue
respirer de concert :
La tête blanche m’a soufflé
sa cachette
sous la paupière,
sous le drap du sommeil
à nouveau
l’océanique vertu.
8.
La nuit
la forêt éponge
les fluides superflus,
le sang
les épices
l’or.
Bleu-nuit envahit les branches.
Des yeux de lait
nagent entre nos membres.
9.
La mort va s’étendre
sur les pentes arides
de tout son long
le ciel m’enroulera dans sa peau noire
10.
A présent
les montagnes vertes se replient,
et le ciel fond comme du beurre
le pain des routes,
la rosée, le sucre
composent un pays délectable.
La maison merveilleuse ;
La lampe ;
L’oreille interne
Le parquet de bois précieux
Des escarpins qui sentent la vanille
- ma main,
goutte à goutte.
11.
J’ai perdu le Nord
en mer, au large des côtes,
l’immensité me contemple
et je sombre
de l’autre côté du rêve
où m’attendent les feux de la Géhenne,
les doigts tranchés du désir.
Pensifs au fond de l’océan
Ses yeux doucement se balancent
12.
La mort de Béatrice
le Rêve – la Mort
I want to fuck you, Bé – a – tri – ce
Il serait nu couché
la musique viendrait à nous
comme une tierce amante
Nous boirions du brandy
en tremblant de plaisir
l’extase serait longue et lente.
Puis le matin monterait comme un râle
nous pressant de partir,
cendres capricieuses au vent.
13.
Une jeune fille
aux chairs roses et rectangulaires
se cabre
dans le pré fleuri
Le fleuve ! crie l’oiseau
La cicatrice
déverse sa houle noire
14.
De l’autre côté de la montagne
le fleuve s’écoule encore
en direction de la Mer.
Au ciel
luisent les arachnides,
les villes étincelantes,
les ports,
les cornes des navires :
« Ne pouvons-nous
mieux dire
qu’une poupée bavarde
dont les prothèses fardées
transpercent inlassablement
le périnée du Poète ?
Point d’autre compagnie
que celle de nos fantasmes !
Fleurs et fruits gantés
chapeautés bottés
qui déambulent dans le jardin d’Eden,
nagent dans les fontaines,
reposent à l’ombre des tilleuls »
15.
Ce soir j’ai
regardé par la fenêtre
observé la nuit l’hiver
le torrent charriant cymbales
le gel violet pénétrer
l’ossature du monde
Le cheval mort
la vieille couche
le matelas tendu d’une peau de bête mitée
une tête de cheval entre les oreillers blanc cassé
ma figure
un bras par la fenêtre.
16.
Le sentier muet
le ciel muet
l’arbre qui n’existe plus muet
le mort muet
le caillou blanc muet
l’ongle du doigt muet
le visage qui ne rappelle rien muet
la feuille muette dans l’air
du temps le vent muet
17.
Ah mon Amour
J’ai été réveillée en pleine nuit
la lune au-dessus des toits
le parfum du détergent
« Pivoine charismatique »
m’ont tiré de mes rêves
Ah mon Amour
j’empoigne les draps frais
les assiettes creuses
les poupées de porcelaine
qui n’ont plus de anse
Tu n’as jamais existé
Je n’ai jamais dormi
J’ai rêvé d’une lumière blanche
qui s’épanchait en moi
18.
La Nuit avance
Il est toujours couché
bleu-violet
sur le carrelage
dans une flaque d’eau tiède
Fleur d’oranger
Une musique ancienne
passe sous la fenêtre
Sa main rouge
étreint la lumière
19.
La solitude du frigo
la nuit
sans la cuisine.
La vaisselle dans l’évier
sous un rayon de lune.
Le savon glaireux – l’attente déchue des choses.