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Autrefois j'aimais Serge Lutens

Publié le 09 septembre 2012 par Michelgutsatz

PhotoVMJe vous propose une nouvelle "Histoire Vécue" de Virginie Michelet. Après nous avoir entrainés au spa Guerlain du Trianon Palace ou aux Thermes de Saint Malo, elle nous parle de sa déception chez Serge Lutens au Palais Royal à Paris. Les marques de luxe ont encore beaucoup de progrès à faire en matière de relation client!!

 par Virginie Michelet

Autrefois, j’aimais les parfums de Serge Lutens, le parti pris esthétique de sa marque et sa boutique du Palais Royal, à Paris.
C’est un jour d’été aux senteurs musquées et poussiéreuses. Nous parcourons la galerie du Palais Royal bienheureusement à l’ombre. Comme souvent, la vitrine des parfums Serge Lutens m’attire. Elle possède ce je ne sais quoi d’à la fois historique et mystérieux, une mise en scène réussie entre les fantasmes d’un XVIIIe siècle littéraire et révolutionnaire et la vision d’un au-delà olfactif et visionnaire. Nous pénétrons dans le Royaume des sens, mon ami et moi. La langueur de l’été fait place à la curiosité. Découvrir les parfums, les humer, les goûter presque, nous voilà dans un jeu troublant de seduction, dont l’issue – avouable – sera l’achat d’un parfum. Guidée par mon nez, soutenue par mon ami, aidée de la vendeuse complice, je parcours les bois de Cèdres, les bosquets de Myrrhe, les allées de Tubéreuses, m’attardant sur les odeurs de Muscs et les notes de Gingembre, me perdant dans des labyrinthes poudrés de   Vétiver, de Violettes, de Santal, de Miel, de Roses et de Cuir.
Sentir tant de fragrances finit par me donner le tournis, mais le temps me rattrape et devient l’heure de choisir. 
Cependant, j’hésite terriblement. Que cherchais-je déjà? Quelle effluve enfouie au plus profond de mon enfance ? 'Santal blanc' l’emporte d’une courte longueur devant 'Encens et Lavande'. Le rituel de l’achat accompli, le plaisir se dissipe et nous nous expulsons de cet enchantement. Las ! A peine quelques pas plus tard, revenue dans la lumière crue de l’été, un doute horrible me saisit. Sur mon poignet droit, soudain, une certitude m’éclabousse : j’aurais dû acheter 'Encens et Lavande'. C’était bien elle, l’odeur magique et pleine de sens, le parfum talisman, celui qui me protégerait de l’agression des jours en me recentrant sur mon intimité. “Va l’échanger!” dit mon ami.
Je tourne casaque gaiment et m’enfonce à nouveau dans la pénombre du Palais Royal. Me voici devant la porte. Je tourne la poignée. En vain. Je sonne. On ne me répond pas. Soudain, une silhouette remonte des entrailles de la terre. “La voici”, me dis-je. Erreur. Une autre personne, inconnue, entrebaille l’huis. Elle aboie “C’est fermé!”. Je tente de protester, gargouille quelques mots, confesse mon désir d’échanger mon achat contre le bien convoité. “C’est la collection spéciale, on n’échange pas !” tonne la voix revêche. “Mais…” “Puisque je vous dis qu’on est fermés!” Le claquement métallique de la porte me plonge dans l’enfer de la non existence. Et puis, l’ai-je rêvé ce sourire légèrement triomphant de la mégère ? Frustration et colère s’emparent de moi. Vite, un Tweet pour signaler au monde ma cruelle déconvenue. Dérisoire mesure face à la traitrise vertigineuse dont j’ai été la victime. Depuis, le vers s’est immiscé dans la pomme. Même les parfums que j’adorais comme Féminité des Bois me sont devenus suspects. Je n’ai même pas ouvert le paquet acheté ce jour-là.
C’était quoi, déjà, la petite phrase de Serge Lutens sur le luxe? Ah, oui! “Vouloir faire du luxe, c’est comme vouloir être sexy, c’est raté… voire vulgaire!"


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