EXT. JOUR
La vieille dame au bout du chemin aime les figues. Elle les tient dans ses mains et ses yeux sont blancs.
Je sens sa douceur quand elle se penche pour prendre congé.
Sa blouse fleurie s’unifie à mesure qu’elle s’éloigne. La vieille dame est un peu comme ma grand-mère, perdue. Et tout ce qui l’ancre tient dans ces mains.
Je la vois maintenant comme une tache dans la verdure. Bientôt elle prend l’escalier de trois marches et disparaît sous la tonnelle.
Je peux en fermant les yeux l’entendre ouvrir la porte aux chats, et tomber comme une masse sur le parquet. Comme ma grand-mère, oui, comme ma grand-mère.
Qui me disait tout bas, o que será será.
INT. NUIT
Parce qu’il fait chaud je ne dors pas. Le courant d’air laissé volontairement dans la chambre ne suffit pas. Il y a comme des libellules fluorescentes dans l’obscurité au-dessus de l’armoire charentaise. Je compte, elles sont au nombre de quatre. Une cinquième s’installe sur mes pupilles. Et y demeure jusqu’à poings fermés.
Dans mon sommeil je crie toujours deux trois choses qui se bousculent et qui débordent. Et puis plus rien de rêves.
Sofia Queiros, et puis plus rien de rêves, Éditions Isabelle Sauvage, Collection « présent (im)parfait » dirigée par Alain Rebours, 2012, pages 19 et 27.
SOFIA QUEIROS
Source
Sofia Queiros est née au Portugal le 21 juillet 1968. Elle vit en Poitou-Charentes depuis l’âge de trois ans. Elle a fait des études supérieures de langues étrangères (anglais/portugais) à l'Université Michel-de-Montaigne (Bordeaux-III), et enseigne aujourd’hui l’anglais et l’éducation socioculturelle. Elle anime régulièrement des ateliers d’écriture. Elle a publié dans diverses revues, et notamment dans la revue Travioles aux côtés du peintre Jean-Pierre Pincemin. Elle est présente dans l’anthologie pas d’ici, pas d’ailleurs (anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines), publiée par Voix d’encre à l’automne 2012.
Derniers ouvrages parus :
Carabines, Co-édition L’Idée bleue et Écrits des forges, 2007.
De quoi dirais-je vivre, éd. Être et connaître, 2006.
Guérir les saisons, éd. Être et connaître, 2004.
Zone : Artesanata, éd. Rumeur des âges, 2001.
■ Voir aussi ▼
→ (sur Littérature de partout, le blog de Tristan Hordé) un autre extrait de et puis plus rien de rêves
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