Etrange impression, probablement due à la prise de vue, à l'attitude de Carla Bruni à ce moment de sortie de l'avion, qui semble figée dans une pose très mannequin sans doute héritée de son passé professionnel. Manière peut-être de conjurer le stress (le prince Charles et bien d'autres l'attendent en bas des marches, sur tapis rouge).
Ce côté potiche est assez dérangeant pour qui voudrait s'imaginer notre première dame en femme moderne et émancipée. La photo pourrait dater des années 50 tant Carla dégage le charme désuet d'une Martine hôtesse de l'air. Il y a du burlesque dans cette image (notre président se fait l'hôtesse de l'air, c'est du beau!) mais aussi un désolant côté rétrograde. Je ne me reconnais pas dans cette femme austère qui d'une certaine manière devrait représenter la France et les femmes françaises.
Il est possible que Carla ait choisi la tradition pour ne pas commettre d'impair et trancher avec la photo dénudée publiée le même jour dans la presse britannique. Mais on a envie de lui chanter à l'oreille un couplet de Jacques Dutronc pour la dérider un peu: "Toute ma vie j'ai rêvé d'être une hôtesse de l'air/ Toute ma vie j'ai rêvé de voir le bas d'en haut/ Toute ma vie j'ai rêvé d'avoir des talons hauts/ Toute ma vie j'ai rêvé d'avoir, d'avoir les fesses en l'air".
Difficile d'être devenue une femme de haut rang, d'avoir peur à chaque seconde de faire ou dire "quelque chose qui ne soit pas bien", comme Agnès dans L'école des femmes.
Le soir, j'ai aperçu sur un plateau de télévision l'actrice et princesse de Savoie Clotilde Courau. Elle dégageait
Première dame de France, Princesse de Savoie, des titres qui font disparaître la personne sous le personnage public, obligent à tenir un rôle étroit, très XIXème siècle. Carla Bruni-Sarkozy et Clotilde Courau sont des professionnelles de l'image qu'elles donnent d'elles en public: avec notre président, Carla fait le top-modèle élégant, avec le prince de Savoie, Clotilde Courau fait l'actrice dame du monde. Des femmes vitrines, des femmes jeunes qui se veulent parfaites et acceptent de renoncer à elles-mêmes pour leur époux, de devenir des effigies. Des femmes conformes.
Les mots d'Oedipe sous la plume de Cocteau me sont revenus: "Apprenez que tout ce qui se classe empeste la mort".