4À8 / Édition 1 # / Alain Marsaud

Publié le 08 juin 2012 par Collectifaquatre

Série projetée → By the Window

Depuis 1981 j’aime photographier les situations muséales à travers les gens, les œuvres et les lieux. Un point cependant a plus particulièrement retenu mon attention : la fenêtre.

L’étroite relation qui l’unit au musée dans l’espace architectural, sa fonction d’éclairage, mais aussi, quand artistes et spectateurs voient à travers les œuvres une fenêtre ouverte sur le monde, m’ont amené à réfléchir sur le potentiel iconique de ce qui est bien autre chose qu’un simple évidement mural. Dans ce dessein, j’ai privilégié la relation entre les œuvres résidentes du musée au sens large et ce que la fenêtre pouvait offrir en termes de mise en scène ou d’apparition subreptice, ou d’interrogation tout simplement. Je me suis attaché à considérer la fenêtre comme interface entre le monde extérieur instable et le monde hors champ du musée. La fenêtre devient le lieu improbable de cette rencontre où l’imaginaire s’inscrit et se développe en grand sur l’écran laissé vacant. Prolongement, projection du dedans vers le dehors et inversement, la fenêtre se conçoit dès lors comme un espace inchoatif et en constante mutation. Lieu aussi de tension visuelle par contamination, c’est, comme s’il fallait en faire la démonstration, la preuve de la grande vitalité des œuvres qui débordent sans cesse de leur cadre apparemment peu restrictif. Vision élargie des deux mondes, la fenêtre convoque par télescopage les images les plus diverses et fait aussi de notre imaginaire un musée potentiel vivant, le lieu d’un nouvel éclairage entre notre mémoire des images et les contingences liées à ce que nous voyons.

Dans cette série de photographies où l’hétérogénéité s’affirme comme condition démonstrative, l’ici-maintenant reste prégnant. Pour beaucoup d’entre elles le décisif de l’instant retenu peut être primordial et tout devrait les renvoyer à la seule straight photography. Mais par un effet d’indécision lié sans doute au motif de la fenêtre lui-même, à la topologie mentale des lieux qu’elles représentent, elles paraissent minées de l’intérieur, comme habitées de la présence d’autres images qui viennent les subvertir.

 Alain Marsaud