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The arty and the geek

Publié le 27 mars 2008 par Frédéric Romano
- Elle : Non mais il y a pire qu’un geek, non !?
- Moi : Hein, quoi ? Un nerd ?
- Elle : Oui c’est ça ! C’est la même chose qu’un geek ?
- Moi : Non non ! Un geek c’est sexy…

Charlotte habite rue des roses numéro un. La fenêtre de sa chambre se trouve juste en face de celle de Gérald qui, lui, demeure au numéro deux. Charlotte et Gérald ne se connaissaient pas il y a quelques mois. Ils se regardaient parfois à travers leurs rideaux mais toujours se rataient lorsqu’ils sortaient de chez eux. Ces deux là ont des vies forts différentes et des horaires bien dissonants. Gérald travaille chez lui. Le jour ne commence pas pour lui avant onze heures. Charlotte est étudiante en photographie. Ses cours l’obligent à être prête pour huit heures. Si Gérald n’a pas du matériel à aller chercher pour un client, il ne sort de chez lui que pour faire quelques courses, parce qu’il doit bien manger de temps en temps. Charlotte déteste traîner dans ses pantoufles. Elle repasse après ses cours dans les marchés ou dans les fripes, elle flâne aux terrasses des cafés en été ou parfois s’assied quelques heures sur un banc pour lire le dernier roman qu’elle a acheté chez le bouquiniste. Aucun des deux ne sait de quoi sera fait l’avenir. Gérald voit le futur de manière très pratique et Charlotte l’envisage très romantique.

Charlotte s’est installée à la rue des roses il y a quelques mois. Malgré ses efforts, elle n’a pu sympathiser avec aucun des voisins. C’est pourtant avec entrain qu’elle crie “bonjour” lorsqu’elle croise l’un ou l’autre des habitants de l’immeuble, mais ses salutations restent toujours sans réponse. Il y a cette dame au premier, aigrie et légèrement parano, qui attend patiemment que les communs soient innocupés avant de sortir de chez elle. Il y ce couple d’italiens au rez-de-chaussée, trop occupé à contempler leurs enfants pour dire “buongiorno” à qui que ce soit. Il y a ces gens qui vivent à quelques mètres de chez elle et qu’elle ne connaît pas.

Gérald vit dans son trois pièces depuis quelques années déjà. Il n’a jamais vraiment amménagé ses quarante mètres carrés. Son appartement ressemble au plateau d’un service après-vente. Des ordinateurs éventrés sont à même le sol et une forte odeur de carton d’emballage et de frigolite traîne dans l’air. Par timidité, il n’a jamais parlé aux voisins sauf pour échanger quelques politesses. Le matelas qui lui sert de lit est posé devant la fenêtre. Un soir, avant d’aller dormir, il fut intrigué par cet appartement de l’autre côté de la rue. Ses fenêtres étaient dépourvues de rideaux et il y voyait très distinctement les murs couleur aubergine sur lesquels des photos étaient accrochées. Devant la vitre, Charlotte dansait sans pudeur. Elle avait l’air heureuse. Elle portait un pantalon en toile et un chemisier assez ample. Elle avait sur la tête un foulard et des boucles brunes qui partaient un peu dans tous les sens. Gérald fut bien embarassé lorsque le regard de la jeune fille croisa le sien. Il sentit alors ses jambes se dérober sous lui et s’effondra sur son lit.

Depuis ce jour, cet inconnu qui l’observait de sa fenêtre plaisait à Charlotte. Elle le voyait sortir de chez lui de temps en temps. Elle aimait son jeans tombant et ses baskets non lacées, ses tee-shirt bariollés et ses sweats à capuche. Elle le trouvait touchant et sa tête pleine d’épis l’amusait. Elle l’observait lorsqu’il réchauffait des conserves de raviolis en démontant et remontant des tours d’ordinateurs. Leurs rendez-vous maladroits par fenêtres interposées deveniaent de plus en plus fréquents. À chaque croisement de regard, Gérald baissait les yeux et, aussitôt que Charlotte avait détourné les siens, il revenait chercher, en vain, l’attention de la jeune fille. Ce petit jeu leur plaisait à tous les deux.

Un matin de mai, Charlotte passa la vitesse supérieure. Il était neuf heures cinquante et elle savait pertinement que son geek dormait encore. Elle se mit à la fenêtre et respira un grand coup. L’air était doux et pas un nuage n’assombrissait l’horizon. Elle contempla un instant le ciel. Des ailes lui poussaient dans le dos. Elle rassembla ses forces et, en gonflant les poumons, cria : “Bonjour Voisin ! Comment allez-vous mon voisin !?“. De l’autre côté de la rue, gérald sorti la tête de son oreiller. Au deuxième appel, il bondit à la fenêtre. Il était en pyjama, les yeux gonflés et les cheveux ébouriffés. Elle lui sourit puis continua : “Et bien Voisin !? Répondez-moi !“. Gérald, confu, répondit timidement : ”Heu… bonjour Voisine…“. Charlotte, directive et motivée, continua en disant : ”Plus fort Voisin ! Je ne vous entends pas !“. Le jeune garçon eu soudain l’air amusé. Il se redressa, gonfla le torse et de toutes ses forces hurla : “Bonjour Voisine ! Je vais bien et Vous !?“. Tous deux restèrent à se regarder puis au même instant éclatèrent de rire. À partir de ce jour, ils n’étaient plus l’un pour l’autre des inconnus. Depuis ce matin là, ils déjeunent parfois ensemble. Il l’appelle tendrement “Charlie” et elle le nomme affectueusement “Gégé”.


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