Celui qui redoute le silence des jacteurs / Celle qui occupe le terrain de la conversation creuse / Ceux qui se branchent sur Spotfy pour faire chier la pianiste d’à côté / Celui qui se tient au courant d’air / Celle qui dit enfin la vérité à son hamster Croupion / Ceux qui ont la situation sous contrôle en dépit de la carence en chiens policiers au quartier des Bleuets / Celui qui rejette la faute sur le blogueur lascif / Celle qui s’investit à fond dans la déco des niches de chiens d’ornement / Ceux qui ont pris La Pirogue au cinéma et son rentrés à pied faute de thune / Celui qui relit le texte de Friedrich Dürrenmatt intitulé La comédie comme moyen d’expression du tragique contemporain dans le train de Genève où il va chercher son visa à la Mission permanente du Congo / Celle qui avait toutes ses cartes de crédit dans sa sabretache oubliée sur un banc en gare de Zermatt et qui s’en aperçoit dans le train de Genève où l’attend son ami Ebehard von Grundsache le théologien de gauche / Ceux qui abondent dans le sens de Friedrich Dürrenmatt qui écrit que « dans la pagaille de notre siècle, dans cette dernière pantomime de la race blanche, il n’y a plus ni coupables ni responsables » / Celui qui pratique le décentrage de la réflexion comme l’écrivain-journaliste Emmanuel Goujon originaire de la Martinique l’illustre dans ses chroniques Depuis le 11 septembre où il juge la « croisade » de Bush Bis de son poste d’observation d’Abidjan / Celle qui se traite de Dummkopf en allemand à penser que sa sabretache oubliée pourrait susciter la concupiscence d’un Africain ou d’un Rom même si l’on en voit peu à Zermatt / Ceux qui notent sur un calepin ces lignes de Dürrenmatt qu’ils partageront ce soir sur Facebook : »Nous ne sommes que les fils de nos pères. C’est notre malchance, pas notre faute : la faute n’existe plus, sinon comme acte personnel, action religieuse. Seule la comédie a encore prise sur nous. Notre monde a aussi bien mené aux grotesques qu’à la bombe atomique, comme sont apocalyptiques les tableaux de Jérôme Bosch" / Celui qui a revu hier soir pour la troisième fois le film Hyènes de Djibril Diop Mambéty et l’a annoté plan par plan / Celle qui se reproche de ne plus se sentir tout à fait Allemande à part entière sans ses cartes de crédit alors qu’elle a une formation de théologie morale/ Ceux qui se rappellent la phrase de Sony Labou Tansi : « « J’écris (ou je crie) pour qu’il fasse homme en moi » tandis que le train de Genève longe les anciens abattoirs lausannois jouxtant le théâtre de la banlieue Est / Celui qui profite de l’arrêt du train en gare de Morges pour noter sans trembler cette phrase d’Emmanuel Goujon à la page12 de Depuis le 11 septembre : « Les Américains sont à l’origine de cette idée que, si l’Afrique disparaissait demain de la surface du globe, personne ne s’en apercevrait : cela ne changerait rien aux échanges économiques mondiaux dans lesquels ce continent compterait pour 1% seulement, sans compter les avantages financiers qui en découleraient puisque, c’est bien connu, surtout Outre-Atlantique, l’Afrique coûte cher et fait chier ! » / Celle qui reçoit un SMS dans le train de la réception de l’Hôtel Julen à Zermatt qui lui apprend que sa sabretache a été ramenée au Desk par le porteur camerounais Ndjock / Ceux qui sont d’accord avec Friedrich Dürrenmatt qui refuse toute conclusion cynique ou désespérée en affirmant qu’il est toujours possible de « montrer l’homme courageux » / Celle qui téléphone à laréception de l’Hôtel Julen à Zermatt pour demander au concierge de vérifier le contenu de sa sabretache et si sa Mastercard Gold y est toujours sans incriminer évidemment ce Monsieurs Ndjock / Ceux qui se refont une bonne humeur avec les filles des Pâquis à qui rien de ce qui est coquin n’est étranger / Ceux qui donnent également raison à Dürrenmatt quand il écrit que « la consolation de la poésie n’est souvent que trop bon marché » / Celle qui se fait remballer poliment par le concierge de l’Hôtel Julen **** de Zermatt au motif qu’on ne saurait soupçonner un employé de cette vénérable maison fût-il originaire de Douala / Ceux qui mangeront du n’dolé ce midi et boiront de l’Humagne rouge dans des pichets verts / Celui qui se demande avec Emmanuel Goujon en fonction de quel critère on décide que telle vie vaut plus que telle autre / Celle qui se juge sévèrement en resongeant à son soupçon raciste alors qu’elle a signé plusieurs articles traitant d’éthique dans les meilleures revues / Ceux qui constatent que l’écume du jet d’eau de Genève est toujours d’une blancheur que seuls les mauvais esprits associent à l’activité des banquiers de la place et environ, etc.
Dessin à la plume: Richard Aeschlimann