Les Pyrénées se dessinaient en fond. Ce chemin et je le pense à chaque fois que j'y passe à pied ou en VTT est un des plus beaux qui soit de Chalosse. Il est heureux que pour une chicane les deux communes qui le possèdent, le bordent de chaque côté, ne se soient pas entendues financièrement pour le faire goudronner, le projet est resté lettre morte. Il est donc chemin depuis des temps immémoriaux, le restera.
Personne ou presque n'y passe, il est loin de tout. Il a, dit-on, vu défiler les légions romaines de Labienus. Sa vue sur les Pyrénées est fantastiquement belle, on a un aperçu panoramique carte postale de la Rhune jusqu'au Pic du Midi de Bigorre. Mon ami F. a ses vaches dans un pré qui borde ce chemin, je les ai saluées. Il faisait si beau tout à l'heure. F. n'a pas trouvé de fille qui veuille vivre avec lui dans ce coin de campagne si reculé. Il est seul et commence à être âgé. Sa ferme est modeste mais il a tout ce qu'il faut dit-il. Il est un des derniers paysans à garder ses vaches à l'ancienne, souvent dans le champ, à siffler, à tailler un truc avec son Opinel, à lire un bouquin, à caresser son chien, à observer les aigrettes qui se posent même quand il est là, dit-il. J'ai le temps dit-il aussi en souriant.
Ce chemin empierré du temps jadis, ces vaches et cet immense vol d'aigrettes qui les gardaient, sont les vivantes couleurs sur la palette immémorielle d'un temps qui passe ici sans presque fluctuer. Les aigrettes sont des oiseaux-papillons, encore plus "effrayables" que les vanneaux, elles décollent à la moindre alerte. L'une d'elles était posée sur le dos d'une vache. Je l'ai photographiée quand elle s'envolait.
J'aime les vaches. J'ai toujours regretté deux choses de mon enfance paysanne. Ne jamais avoir réussi à siffler avec mes doigts ni à traire correctement.