“Sur la route”, la Palme de la fureur de vivre

Publié le 31 mai 2012 par Cess A @Cess_A

Ce n’est pas un chef d’œuvre, trop long, trop lisse, trop illustratif. Les critiques pleuvent. Pis encore, en compétition officielle au Festival de Cannes 2012, il n’a rien raflé. Normal a-t-on entendu dire. C’est vrai qu’il est quand même plus légitime de récompenser des réalisateurs déjà palmés ? Bref, tous les avis ou presque sont unanimes. “Sur la route ” de Walter Salles ne vaut pas l’œuvre de Jack Kerouac. Devrait-on s’arrêter là ? Non. Suis-je la seule à le défendre ? Sans doute. On revient en arrière et on se laisse transporter par la « Beat Generation » version 2012. Le pitch ? Sal Paradise (Sam Riley), un jeune écrivain de New-York qui vient de perdre son père, sort de sa dépression quand il rencontre Dean Moriarty (Garrett Hedlund), un ancien taulard au charme ravageur, marié à une jeune mineure libre et torride, Marylou (Kristen Stewart). Assoiffés de désirs, d’absolu et transgression, tous trois vont partir à la découverte du monde. Et bien entendu, d’eux-mêmes.

Et ça fait du bien. Les paysages défilent, on voyage dans une vieille Hudson, les saisons passent, les corps dansent, on s’oublie, tout en étant percuter de nouveau par les questions de la vie. Le film s’affole un peu comme le cœur d’un adolescent. Mais ce copié-collé du best-seller de Kerouac reste à mes yeux un hymne à la vie nécessaire. Une sorte de rappel à l’ordre. Même si les générations ne sont plus les mêmes, les problèmes restent les mêmes. De 1949 à 2012, le fil rouge ne semble pas avoir été démodé : il y a autre chose que la vie étriquée qu’on nous promet. L’espoir d’un jour meilleur. Une initiation à la rêverie. Peu importe le temps ou l’espace. On se remémore Rimbaud et son désir de voyage au XIXème siècle. On replonge avec Marcel Proust dans le roman “Du côté de chez Swann”, récit qui a accompagné Jack Kerouac dans son épopée à travers l’Amérique.

Alors même si le road-movie est un genre très universel pour certains et connaît ici quelques longueurs,  l’adaptation du roman manifeste de la « Beat Generation » n’a rien d’un navet. Neuf ans auront été nécessaires à Walter Sallers pour parvenir à l’adapter. Résultat : le réalisateur brésilien a réussi à peindre avec talent les paysages grand format, les beaux visages et les jeunes corps. La fureur de vivre et l’atmosphère du roman sont perceptibles dès les premiers plans. Le jeu des comédiens est surprenant, mention spéciale à Garrett Hedlund qui crève l’écran. Walter Salles n’a certes pas réinventé le mythe de la route – Homère et Jack London étaient là avant lui. Mais il lui donne un coup de jeune. N’en déplaise à ceux qui se sont déjà cassé les dents. En 1968, Francis Ford Coppola avait acquis les droits. Jean-Luc Godard et Gus Van Sant étaient sur les rangs mais abandonnèrent le projet.

A ceux qui se demandent si le roman est adaptable, Walter Salles a pris le risque et en a donné une réponse. Kerouac, lui-même, le croyait. Dès sa parution, il espérait que Marlon Brando accepte de jouer Dean Moriarty. Mais l’acteur américain avait refusé. En 2012, Garrett Hedlund remporte la palme d’interprétation haut la main. Porter “Sur la route” à l’écran n’est pas une impasse. Et je défends et remercie Walter Salles d’avoir pris le risque de se planter. L’important, c’est le mouvement, pas le but.