Alors que les témoignages et les vidéos montrant les violences policières envers les manifestants se multiplient depuis le début de la grève étudiante, Le Journal de Montréal a choisi d’aborder un sujet grave et méconnu : la souffrance du policier qui ne peut pas charger…
C’est vrai, on ne le dit jamais. Car après tout, ce policier qui gaze, qui poivre, qui matraque, qui insulte (aussi), qui arrête arbitrairement, eh bien ce policier, c’est avant tout un homme. Un homme avec un cœur qui a envie de dire « Je t’aime ».
C’est ce que nous explique le Journal de Montréal en introduction : « Soir après soir, les policiers de l’escouade antiémeute de la police de Montréal ont beau être traités de « robots » par les manifestants, ils sont des humains qui ont aussi leurs peurs, leurs sentiments et leurs opinions sur le conflit étudiant qui perdure depuis trois mois.[1] »
Face à tous les incidents qui écornent jour après jour l’image de la police à Montréal, le journaliste en charge de l’interview d’un membre de l’escouade anti-émeute fait montre de bravoure et se lance dans une question des plus insolentes : « Comment pouvez-vous rester de glace devant les manifestants qui vous insultent et lancent des objets ? »
Face à ce manifeste de journalisme engagé, la réponse du policier ne peut qu’inspirer sollicitude au lecteur : « Nous sommes formés pour ça. On se retient en se disant que nos boss nous donneront bientôt le go pour foncer. C’est notre bonbon. » Où l’on comprend les sentiments et la peur qui se cache derrière chaque policier…
Un journalisme aux ordres
L’entretien se poursuit avec des questions concernant l’hésitation à donner des coups de matraque et l’opinion politique du représentant des forces de l’ordre. Une seule question concerne les brutalités policières. Mais elle reste mesurée : « Que pensez-vous des actes de brutalité policière que l’on voit constamment en boucle sur Internet et dans les médias ? »
Pourquoi le journaliste ne demande-t-il pas à son interlocuteur s’il condamne la violence comme il le ferait face à un manifestant ? Pourquoi le journaliste ne lui demande-t-il pas s’il a commis des brutalités policières ou en a été témoin ? Enfin, quand le policier de l’escouade anti-émeute met en cause la véracité des témoignages des manifestants, ou se moque des 500 manifestants arrêtés et stockés dans des bus, pourquoi le journaliste ne réagit-il pas [2]?
Certes, Le Journal de Montréal est un tabloïd et n’est pas forcément réputé pour sa qualité. Toutefois, on peut se poser la question de l’intérêt d’un tel article si ce n’est d’attiser la haine envers les manifestants et de justifier la violence policière. Celui qui a mené l’entretien a-t-il pris connaissance des vidéos suivantes ?
[1] Passage surligné par nous.
[2] « Par contre, beaucoup se plaignent pour rien. Les 500 arrêtés l’autre soir se plaignaient de ne pouvoir aller pisser lorsqu’ils étaient entassés dans des autobus. On n’était pas pour les amener au Hilton », ironise le policier.