Paul Larocque pédale dans la semoule face à un cycliste remonté.
Jeudi 10 mai, tandis que le métro reprend du service après les « attentats » aux bombes fumigènes, Paul Larocque, journaliste à LCN, prend le pouls sur le terrain. Il ne s’attend sûrement pas à être mis face à ses contradictions…
En France, nous avons Jean-Pierre Pernaut, présentateur du JT de midi sur TF1 depuis 1988. Commentateur avisé de la « prise en otage des usagers » lors des grèves dans les transports, ce dernier ne se prive jamais pour placer quelques remarques assassines envers les grévistes, sans jamais expliquer ni leurs motifs ni leurs revendications[1]. Il peut par exemple déclarer à la fin d’un reportage : « Et en effet c’est vrai qu’on voit pas beaucoup de grévistes sur les quais de gare distribuer des tracts en ce moment. » Et avec le sourire s’il vous plaît.
Au Québec et à Montréal, le traitement médiatique de la grève étudiante n’a rien à envier à TF1. L’épisode des bombes fumigènes dans le métro, jeudi 10 mai, est un exemple parmi d’autres[2]. Si l’analyse de ces trois mois de grève demande un certain recul, certains exemples sont symboliques et méritent d’être relevés ici. C’est le cas du reportage de Paul Larocque sur la chaîne d’information LCN, filiale de TVA Nouvelles, elle-même propriété du groupe Québécor.[3]
Les joies du Direct
Ce jeudi matin, peu après 10 H, le métro reprend son service après avoir été bloqué deux heures environ par trois engins fumigènes. À cette heure-là, celui qui peut dire qui sont les coupables est bien avisé. Paul Larocque, journaliste et animateur vedette de LCN, se trouve alors non loin du métro Papineau pour faire le point.
Il commence par interroger deux personnes dans un bus stationnant à un feu. Dans ses questions et dans son intonation, Larocque cherche clairement à influencer ses interlocutrices afin de recueillir un témoignage accablant, façon Jean-Pierre Pernaut. Malheureusement pour lui, les deux personnes se montrent mesurées et compréhensives. La seconde évoque même la grève étudiante, tout en émettant une réserve quant au lien entre les deux affaires. Mais Paul Larocque n’écoute plus, déjà à la recherche d’un témoignage plus conforme à… son opinion.
Il trouve un conducteur qui lui se dit « tanné ». Un avis plus conforme aux espérances de Paul Larocque, qui adresse même un « merci » au conducteur. Formule de politesse qu’il n’a pas cru bon d’adresser à ses précédentes interlocutrices…
Ragaillardi, notre journaliste y va de son analyse : « Évidemment, tout à l’heure c’était l’enfer ici, maintenant la situation commence à se rétablir.[4] » Sentant grandir en lui la flamme qui a animé les grands ténors du journalisme, Paul Larocque aperçoit une petite manifestation d’étudiants. Une aubaine pour celui qui cherche à faire le lien entre grève étudiante et fumigènes dans le métro !
Courageux, le reporter s’approche de ce groupe. Mais alors qu’il tente d’interviewer un manifestant, il tombe sur un jeune cycliste qui n’entend pas laisser l’amalgame se produire. Et donne une leçon de journalisme à Paul Larocque, bien incapable de prouver ce qu’il avance… Eh oui, sans doute notre reporter a-t-il oublié la règle de base de son métier : sourcer et vérifier l’information plutôt que d’accuser sans preuve…
Tout est visible dans cette vidéo :
[1] Un best-of de Jean-Pierre Pernaut est à voir absolument dans cette vidéo hébergée sur le site d’Arrêt sur Images. TF1 veille par ailleurs à ce qu’aucune vidéo raillant Jean-Pierre Pernaut ne se retrouve sur YouTube ou DailyMotion. Allez savoir pourquoi…
[2] Nous nous sommes fait l’écho du traitement de cet événement par le journal gratuit 24 H ici même.
[3] Sans sombrer dans la comparaison facile, TVA est un peu le TF1 du Québec.
[4] Passage surligné par nous.