Le bisphénol A ne cause pas l’obésité chez les jeunes mais seraient selon l’étude une des causes Enfin, c’est une bonne raison manger plus sainement possible tout en le préparant soi-même
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Le bisphénol A lié à l’obésité chez les jeunes
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L’association entre cette substance et l’obésité n’était pas significative chez les jeunes Noirs ou Latinos, mais bien chez les Blancs.
PHOTO JONATHAN HAYWARD, LA PRESSE CANADIENNE
MARIE ALLARD
La Presse
(QUÉBEC) Il y a un lien entre l’obésité chez les jeunes et le bisphénol A, un produit chimique utilisé dans la fabrication des canettes, bouteilles d’eau et boîtes de conserve, selon une étude publiée mercredi dans le JAMA (Journal of the American Medical Association).
Plus les enfants et adolescents ont une concentration élevée de bisphénol A (BPA) dans leur urine, plus leur risque d’être obèses est grand, d’après la recherche menée auprès de 3000 Américains âgés de 6 à 19 ans. Seuls 10,3% des jeunes, dont la concentration urinaire de BPA était la plus basse (quartile le moins élevé de l’échantillon), étaient obèses.
La prévalence de l’obésité doublait dans le deuxième quartile (20,1%) et était 2,6 fois plus importante dans le quartile le plus élevé (22,3%), en prenant en compte de nombreux autres facteurs (âge, éducation des parents, revenu familial, sexe, absorption de calories, écoute de la télévision, etc.).
Curieusement, l’association entre cette substance, qui imite les oestrogènes, et l’obésité n’était pas significative chez les jeunes Noirs ou Latinos, mais bien chez les Blancs, indique Leonardo Trasande, de l’école de médecine de l’Université de New York, qui cosigne la recherche.
Du BPA chez 91% des Canadiens
«Ces résultats sont déprimants, mais intéressants, a commenté Angelo Tremblay, professeur spécialisé dans le traitement et la prévention de l’obésité à l’Université Laval. Les effets dont on parle ne sont pas dévastateurs, mais ils sont statistiquement significatifs. Ils nous laissent à penser que si l’exposition au BPA dure plus longtemps, ils seront encore plus prononcés.»
Utilisé à grande échelle – sa production mondiale était de quatre milliards de kilos en 2006 -, le BPA a été détecté par Santé Canada dans l’urine de 91% des Canadiens de 6 à 79 ans, entre 2007 et 2009. Cette substance a été déclarée toxique par le Canada la même année et sa présence dans les biberons interdite. Mais comme le ministère fédéral estime que l’exposition au BPA provenant des emballages alimentaires est trop faible pour poser un risque à la santé, on retrouve toujours ce potentiel perturbateur endocrinien dans des plastiques (rigides et transparents) et résines époxy (utilisées dans le revêtement de conserves).
Lueur d’espoir: des chercheurs français ont expliqué pour la première fois le mode d’action du BPA, dans une autre étude publiée lundi. La création d’une substance aussi efficace pour l’industrie, sans propriétés hormonales, pourrait suivre.
Polluants, stress, manque de sommeil
Il faut faire attention: la recherche américaine ne démontre pas que le BPA cause l’obésité, mais qu’il y est associé. Il est possible que les jeunes obèses mangent plus de nourriture contaminée par le BPA, puisqu’on sait qu’elle est plus susceptible de migrer dans les aliments gras.
«C’est une étude transversale, donc ponctuelle, a remarqué Dr Laurent Legault, professeur associé au département de pédiatrie de la faculté de médecine de l’Université de Montréal. Il est un peu prématuré de conclure à un lien de cause à effet.»
Son conseil?
Limiter la consommation de nourriture en boîte «pour toutes sortes d’autres raisons que le BPA, comme la quantité de sel et les agents de conservation», a-t-il dit.
«Le problème avec l’obésité, c’est que ce n’est pas un seul facteur qui la cause, a observé M. Tremblay. Le mode de vie qu’on a choisi d’avoir depuis 50 à 70 ans crée surtout des conditions favorables à la prise de poids. Manque de sommeil, plus de stress, plus de polluants, plus de sucre, moins d’exercice physique. Chaque fois qu’on ajoute un nouveau facteur, son impact va du même côté de la balance. Pour certains individus, les plus vulnérables, ça vient à faire une différence importante.»
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Campbell supprime peu à peu le BPA de ses conserves
Campbell, le roi des soupes en conserve, «a commencé à utiliser des solutions de rechange au bisphénol A (BPA) dans certains emballages», a indiqué hier à La PresseMelanie Rockliff, porte-parole de Campbell au Canada.
«Nous travaillons au retrait du BPA dans l’enduit de tous nos produits en conserve», a-t-elle ajouté, sans préciser de date limite d’utilisation de la substance soupçonnée d’être un facteur de risque pour le cancer et la baisse de la fertilité.
«Campbell croit que le BPA est sans danger et que nos conserves sont l’un des emballages les plus sûrs au monde, a précisé Mme Rockliff. Mais nous savons que l’usage du BPA est débattu et nous voulons garder la confiance de nos clients.»