Un lieu d’histoire
Flanquée de deux tours du XIVe siècle et entourée d’une enceinte du XVIe siècle, la propriété appartenait en 1257 aux archevêques d’Aix. Son histoire, liée à celle de la Provence, passe par le roi René en 1473, qui cède ensuite sa terre à son médecin Pierre Robin d’Angers.
Les familles de Cabanis, de Jarente et de Séguiran sont propriétaires du château jusqu’en 1548, date à laquelle, par le mariage de Marguerite de Séguiran et de François de Clapiers, il passe aux Clapiers. Sous l’impulsion d’Henri de Clapiers, seigneur de Vauvenargues, premier consul d’Aix et procureur du Pays de Provence en 1674, d’importants travaux modifient la place forte médiévale du château et lui donnent sa configuration actuelle, prenant assise sur l’affleurement du piton rocheux ainsi que sur les fortes murailles qui seront conservées.
En 1722, Joseph de Clapiers voit ses terres érigées en marquisat pour services rendus pendant la Grande peste de 1720. Et c’est le troisième marquis de Vauvenargues qui vend le château en 1790 à la famille des Isoard, dont les blasons sont toujours visibles aujourd’hui sur les remparts et les façades de l’édifice. A l’intérieur, dans un salon encore tendu de velours, demeure le portrait du cardinal d’Isoard.
En 1943, le domaine est vendu par Simone Marguerite d’Isoard Vauvenargues à trois industriels marseillais. Il est ensuite transformé en colonie de vacances pour les enfants des personnels de la marine marchande (quelques aménagements parasites demeurent de cette période), puis vendu en 1954 à la société civile Société agricole du domaine de Vauvenargues.
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Picasso et le château
En septembre 1958, l’histoire du château rejoint celle du monde de l’art… Picasso acquiert la propriété et son domaine. Et l’on sait l’anecdote du peintre téléphonant à son marchand Kahnweiler : - "J’ai acheté la Sainte Victoire de Cézanne". - "Laquelle ?" lui demande son correspondant en pensant à un tableau. - "L’originale" répond Picasso. Picasso ne s’installe dans le château qu’au début de l’année suivante. Il ne s’agit alors pas d’un lieu de villégiature mais bien d’une installation pérenne que souhaite l’artiste pour échapper à une vie sociale trop prenante et au développement urbain de Cannes où il habite dans sa villa de La Californie, sur les hauteurs de la Croisette.
Même si les conditions de confort resteront toujours très rudimentaires (il fait néanmoins installer le chauffage central), ce refuge doit pouvoir lui permettre d’accueillir l’ensemble de ses collections, parmi lesquelles figurent trois chefs-d’oeuvre de Cézanne, une Vue de L’Estaque, Le Château Noir et des Baigneuses.
La plus grande partie de ces tableaux est accrochée sur les antiques murs du château.
Il déménage encore sa collection de sculptures en bronze qui se trouve alignée sur la terrasse, devant la façade du château, ou dans le corridor d’entrée. Ses propres oeuvres, ses livres, arrivent par centaines et des caisses entières sont stockées dans le château.
Picasso occupe véritablement la propriété sur une période relativement courte et par intervalles entre janvier 1959 et juin 1961. Mais Vauvenargues demeure un des hauts lieux de l’oeuvre parce que chacun des tableaux peints là en porte la marque indélébile.
A quatre-vingt ans, il dédie le domaine à sa jeune épouse Jacqueline, en peignant le portrait Jacqueline de Vauvenargues, nouvelle maîtresse des lieux.
C’est chronologiquement d’abord un énorme buffet noir acheté par le peintre qui va devenir un élément essentiel de cet univers de Vauvenargues. Pas moins de sept versions, dont de grands formats, chantent les formes bizarres de ce meuble.
"Une cochonnerie Henri II, rien de plus. Mais comme c’est beau !" dira Picasso. Ce buffet est encore en place dans le château. En s’installant à Vauvenargues, Picasso, privé de son Espagne natale à cause de la dictature franquiste, retrouve au pied de Sainte Victoire les paysages austères de son enfance.
Les tableaux qu’il peint durant cette période sont empreints de la nostalgie de son pays. Les rouges, les jaunes, les verts, couleurs caractéristiques de l’Espagne, dominent ses toiles, notamment la série des natures mortes avec pour objet principal une mandoline achetée en Arles, encore aujourd’hui accrochée au mur de la salle à manger du château.
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