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Ceux qui palabrent sous le tamarinier

Publié le 25 septembre 2012 par Jlk

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Celui qui arbore un uniforme de policier sous lequel il porte une camisole de prêtre poète auteur d’un hymne au sous-bois / Celle qui affabule comme on ne l’apprend pas à l’école / Ceux qui affirment que la nouvelle génération ne lit plus - faute de l’écouter slamer / Celui qui égrène son rosaire de prof libanais bilingue en invoquant le printemps arabe à vrai dire peu probable au Katanga vu que de printemps il n’y a pas là-bas / Celle qui observe attentivement les caciques universitaires en se disant qu’en somme blancs ou noirs c’est les mêmes bonnets blancs que Rabelais disait bonnets noirs / Ceux qui parlent des « locaux » avec quelque chose de locomachique / Celui qui se sert de la théorie des champs littéraires de Maître Bourdieu avec la même application que ses pairs profs de Trois-Rivière ou de Lausanne ou de Bratislava mais sa tenue vestimentaire reste stricte alors que dans le Nord on se laisse aller n’est-ce pas / Celle qui danse sur place en se disant qu’i y a trop de mots froids qui sortent de la bouche du Professeur éminent / Ceux qui ont appris à conduire sans permis et s’en tirent mieux en fin de compte dans la circulation chaotique qu’en Suisse où la prudence et la pusillanimité font des ravages / Celle qui amène le coq noir au féticheur / Ceux qui te conseillent de diviser au marché le prix des objets en malachite à raison de la moitié de la moitié dont tu retracheras le tiers / Celui qui vous accueille dans son palais de gouverneur et ne se départit point de son sourire affable pour vous signifier que la littérature est elle aussi un palais et d’autres amabilités n’est-ce pas tandis que la guerre perdure au Nord-est de la région on est bien d’accord / Celle qui te fait un portrait carabiné du jeune gourverneur qu’elle compare à Berlusconi genre subtropical en plus stylé à ce qu’il semble mais faut voir / Ceux qu’on amène au stade de foot du club sponsorisé par le Gouverneur qui a fait soigner les pelouses qu’on dirait de la même moquette que celles de sa salle de bain / Celui qui trouve à In Koli Jean Bofane la même énergie concentrée qui caractérise ses formidables Mathématiques congolaises, et la même gouaille féroce et la même révolte sourde et la même façon de pratiquer la danse dite du gorille / Celle qui allume l’écrivain à femmes dans la boîte dont les patrons lisent peu / Ceux qui laissent tomber la veste style gendelettres pour se déchaîner sous les stroboscopes / Celui qui capte les avoirs du petit marchand de manioc / Celle qui secoue la tête lorsque tu lui apprends que tu as lustré tes santiags avec de l’anti-moustiques alors qu’il y a des gosses qui crèvent la dalle qui te les cireraient pour presque rien / Ceux qui savent que le sourire tout suave de l’Adjudant chef cache une mâchoire de caïman / Celui qui sent en lui la tristesse monter par bouffées en constatant l’état du monde pour ceux qui n’ont rien / Celle qui a participé à la modélisation du Rapport final du Colloque et continuera de « faire avec » malgré ça / Ceux et plus encore celles dont le courage sidère / Celui qui s’exclame à l’escale que l’Afrique lui il a donné point barre / Celle qui surprend le salafiste en train de se branler au closet mal closé de l’Airbus ce qui signifie qu’en somme la vie continue / Ceux qui affirment qu’il faut instaurer en ces lieux une politique culturelle mais qu’il faut au préalable établir un état des lieux et qu’il faut en conséquence reconnaître quil'ne sera pas de trop d’un nouveau colloque pour en examiner le projet / Celui qui reste positif sans se faire d’illusions / Celle qui affirme que dans ces congrès tout se joue en coulisses / Ceux qui honorent l'expression d'hommes de bonne volonté / Celui qui rencontre un jeune poète apparement tout timide dont le verbe de feu justifie tout à fait les douze mille bornes qu’il a franchi en deux nuits / Celle qui reçoit un oeuf de jade des mains de ce drôle de Suisse en jeans qui lui a demandé qui de la femme et de l’homme était la poule et l’œuf / Ceux qui ont kiffé grave le slameur engagé de la scène locale / Celui qui est tellement amoureux des gens qu’il les embrasserait parfois de façon inappropriée / Celle qui se repose sur un parpaing comme s’il s’agissait d’un trône / Ceux qui t’émeuvent par leur aristocratie naturelle genre princesses bantoues,etc.


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