Je viens de « subir » une présentation du mythe de Faust en visionnant le film d’Alexandre Sokourov, librement adapté de Goethe.
Raconter une histoire, n'est pas ici le but du cinéaste ; et s'en tenir au scénario ne rendra pas compte de ce film … Des images, parfois splendides - mais j'ai souffert du choix du format - dans lequel elles s'entremêlent dans un carré d'écran, format pas très cinématographique ( à mon avis …) et étouffant … (dominante de marrons, de verts et de bleus, avec une furie de nuances qui donne le tournis) et l’anamorphose qui l’accompagne … pesant! ).
Nous sommes dans un monde, un village de damnés, où personne ne semble croire en Dieu … Le mondes des hommes est décrit dès le début par quelques plans "sublimes" ( certes ...) … Ça pue, c'est laid, c'est « mortel » …
Le décor, l'image … sont à mon avis ce qui sert le mieux le personnage principal : Satan, lui-même, en pleine et hideuse chair... Le diable est usurier prêteur sur gage. Après sa rencontre avec Faust ( savant, mais affamé, perdu et sans un sou …), nous les suivons inséparables, dans un monde en chute libre, où règne le chaos, ennui et confusion... dans ce monde à la Bruegel ou Altdorfer; l'enfance, la vie, l'amour n'ont pas droit de cité ...
Le dessein de Sokourov, est-il de remonter aux sources du mal ?
Méphistophélès submerge de paroles Faust, et le renvoie sans cesse à son impuissance première. Le « beau » visage rond de Marguerite, fait oublier quelque peu l'absurdité du non-sens d'une telle vie.. Mais, le meurtre - téléguidé par le diable - du frère ( non aimé) de la jeune fille; rend ce désir encore plus honteux ... Même si Faust, lui, perd au fur et à mesure toute culpabilité..
Au début du film, Faust est avide de savoir : - réflexion autour du verset de Jean « Au commencement est le Verbe », avec la correction : non, au commencement était l'action … ! Puis, ce désir de connaissance est ravalée au rang de la libido – sous forme de concupiscence coupable - Serait-ce là l’origine de tous les maux des hommes.. ?
En ouverture, nous subissons ce plan d'un sexe masculin d'un cadavre … auquel répond ( peut-être ? ) ensuite le plan du mont de vénus de Marguerite bien vivante … Dans la scène du lavoir, les images - emplies de la beauté de ces femmes - sont balayées par le corps monstrueux de Mauricius ( le diable ).
Dans ce film, l'amour a perdu toute force « rédemptrice ». Dans une scène du film, Faust – qui a monnayé contre son âme, une nuit avec la belle - enlace Marguerite, prête à se noyer, pour finalement sombrer avec elle dans les eaux.
Quel cauchemar !
Etrange que la naissance d'un mythe... Celle de Faust, serait assez récente... On parle d'un Johanne Faust (1480~ 1540~) dont on sait peu de choses : charlatan de foire, astrologue aux mœurs suspectes: c’est un fanfaron… L'imagination populaire (Historia von Dr. Johann Fausten, 1587) donne très vite au personnage une dimension mythique : Faust vend son âme au diable en échange du savoir et des biens terrestres. On lui accorde des pouvoirs magiques qu’il détiendrait d’un pacte avec le démon « Méphistophélès ». L'histoire est fixée pour les théâtre forain par Christopher Marlowe (composée entre 1588 et 1593).
On peut voir ici, une tentative de l’establishment de condamner l'alchimie, et les nouvelles sciences naturelles... Les écrivains s'en emparent pour en faire le symbole de la connaissance dévoyée, le héros ambitieux de la conquête du savoir contre les puissances obscures (Lessing, Klinger) ou le porte-parole de leurs angoisses et de leurs fantasmes (Chamisso, Lenau).
Dans la version de Goethe le pacte avec le diable prend la forme d’un simple pari ( inspiré du livre de Job) : le diable parviendra-t-il à détourner les nobles aspirations de Faust vers la bestialité des plaisirs sensuels, les satisfactions matérielles et le plaisir de détruire ?
Dans la version finale du Faust de Goethe, Faust est sauvé : un cortège d’anges escorte son âme vers la lumière « celui qui s’efforce toujours et cherche dans la peine, nous pouvons le sauver ».