La réponse de l’hopital «Notre rôle n’est pas de déterminer si un patient est apte ou non à subir un traitement de fertilité»,est une irresponsabilité et une incompétence du psychologue … Il est alarmant que certains médecins ce foutent totalement de l’avenir d’un bébé avec de tel problèmes de la mère
Nuage
Un enfant de la DPJ créé par procréation assistée
Une femme au passé violent et torturé a été inséminée en janvier 2011 grâce à un don de sperme. Au cours des années précédentes, elle avait déjà fait des démarches – vaines – dans deux cliniques privées pour avoir accès à un don de sperme, puisque son conjoint était infertile.
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GABRIELLE DUCHAINE
La Presse
Des médecins du Centre de reproduction McGill ont créé un véritable «enfant de la DPJ», l’an dernier, en inséminant une patiente même si elle souffrait de troubles mentaux, était victime de violence conjugale et avait des antécédents judiciaires. Deux cliniques de fertilité l’avaient d’ailleurs déjà refusée. Dès l’accouchement, le nouveau-né a été enlevé à sa mère. Il ne retournera vraisemblablement jamais dans sa famille.
En janvier 2011, la femme de 37 ans, au passé violent et torturé, s’est présentée à la clinique de fertilité du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Elle voulait un bébé à tout prix. Au cours des années précédentes, elle avait déjà fait des démarches – vaines – dans deux cliniques privées pour avoir accès à un don de sperme, puisque son conjoint était infertile. La troisième tentative, auprès de l’hôpital, a fonctionné.
«Notre rôle n’est pas de déterminer si un patient est apte ou non à subir un traitement de fertilité», a fait savoir l’hôpital dans une déclaration écrite.
L’institution a catégoriquement refusé de commenter ce cas précis.
La patiente, dont nous ne pouvons révéler l’identité pour protéger celle de son enfant, est bien connue des milieux policiers pour des histoires de vol, d’actes violents, de conflits avec les voisins et de violence conjugale. Elle a reçu à l’adolescence un diagnostic de dépression majeure et de troubles obsessionnels compulsifs. Elle souffre d’anxiété et de désorganisation. Son conjoint, de 28 ans son aîné, est atteint de déficience intellectuelle et d’un début de démence. Il est agressif, physiquement et verbalement. Incapable de s’occuper lui-même de ses affaires, il est sous la responsabilité du Curateur public.
C’est d’ailleurs ce même organisme qui s’est opposé au processus d’insémination lors de la première tentative dans une clinique privée, «en raison de l’état physique et mental de son conjoint», explique un jugement de la Cour du Québec, qui a statué en mai dernier sur l’incapacité de la mère à s’occuper de son bébé et qui raconte son histoire dans les moindres détails.
Loin de se laisser démonter, la femme s’est tournée vers une deuxième clinique, où elle a faussement affirmé être célibataire. On lui a répondu que, dans cet établissement, l’enfant à naître devait avoir un père reconnu. C’est alors qu’elle s’est adressée à la clinique de reproduction du CUSM, où elle a fait semblant que son mari était mort.
Comme le veut la règle, elle aurait rencontré un psychologue pour une évaluation psychopédagogique.
«Le but de cette consultation n’est pas de présélectionner les patients pour déterminer s’ils vont faire de bons parents, précise le CUSM. Toutefois, des risques potentiels, comme l’abus d’alcool ou d’autres drogues, des psychopathologies, sont évalués, ce qui peut entraîner notre retrait du dossier ou le report du traitement.»
Cette fois, le psychologue ne s’est pas opposé à l’insémination, qui a eu lieu en janvier grâce à un don de sperme.
Dès le mois de mai, le médecin traitant a constaté que la future maman ne pourrait pas prendre soin de son enfant. Elle manquait de jugement, disait-il. On lui a fait voir un psychiatre. La Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) est intervenue dès la naissance, en octobre. Le poupon a été transféré aux soins intensifs à cause de complications durant l’accouchement. Lorsque sa mère allait le voir, elle était brusque avec lui et ne savait pas comment s’y prendre. Il lui arrivait de l’emmailloter beaucoup trop serré et par-dessus la tête, où même d’enlever les électrodes installées sur son corps.
Dès sa sortie de l’hôpital, l’enfant a été placé en famille d’accueil, où il vit toujours, près d’un an plus tard. Les coordonnées de la famille sont tenues secrètes par ordre de la cour, parce que la mère est parfois «agressive ou insistante» envers les intervenants qui lui viennent en aide. Elle conserve tout de même des droits de visite, lors desquels elle a besoin de surveillance constante, parce qu’elle manipule l’enfant avec tant de maladresse qu’on craint qu’elle le fasse tomber, selon ce qu’a indiqué la DPJ au tribunal. Le bébé évite les contacts visuels avec sa mère et pleure «intensivement» lorsqu’elle le touche. Malgré les conseils des intervenants, elle ne s’améliore pas. De plus, toujours selon les observations de la DPJ, elle souffre de problèmes de santé mentale (un nouveau diagnostic de trouble de personnalité avec traits limites s’est récemment ajouté à son dossier), elle a plusieurs antécédents judiciaires et vit une instabilité conjugale.
Selon la cour, les chances de l’enfant de retourner un jour vivre avec sa mère sont «sombres».
- Avec la collaboration de Philippe Teisceira-Lessard