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Céline Dion et la victoire des blogs

Publié le 01 octobre 2012 par Vinsh

Céline Dion et la victoire des blogs
Céline Dion, la chanteuse tellement variétoche, tellement archétypique de la chanson mièvre à voix, tellement premier degré, tellement ringarde qu'elle en redevient hype, tellement diva que les pédés ne peuvent que l'aimer même si elle est souvent ridicule, va sortir un nouvel album en français. Pour la pochette de son album, elle a choisi cet immondice ci-dessus.
Bon, une fois qu'on a un peu vomi, trêve de réaction spontanée, pourquoi cette pochette nous gêne-t-elle tant ? 
Bon, déjà, parce que c'est Céline Dion, et qu'avec Céline Dion, on veut ça :
Céline Dion et la victoire des blogs
ou ça :
Céline Dion et la victoire des blogs
ou encore ça :
Céline Dion et la victoire des blogs
Bref, du photoshop over-diva, sauf que contrairement à Mariah Carey ce n'est pas pour donner une illusion de cuisses galbées et de nichons fermes et généreux. Nan, c'est juste pour vendre du rêve. Pas du cul. Céline Dion, c'est LA diva au sens premier degré du terme. On ne sait même pas si elle est capricieuse ou pas. On sait vaguement qu'elle est plutôt sympa, et pas toujours en pleine maîtrise de ses interventions médiatiques. Mais dès qu'il s'agit de sa musique, Céline y va toujours à fond : robes de duchesse, imagerie romantique des romans de Barbara Cartland, modernité glamour et surfaite... Céline est toujours parfaite, sur ses pochettes comme dans ses clips. Quitte à sombrer dans les pires clichés de ce qui était supposé constituer les aspirations et la culture féminines il y a environ un demi-siècle : l'homme beau et viril qu'on attend patiemment (parce que LUI, il a des choses à faire), les jolies robes, la jolie maison, les jolis n'enfants, et la famille c'est supaire. Céline Dion ne fait pas, a priori, dans le jeunisme ou dans la légèreté urbaine moderne. Elle n'est ni Zazie, ni Mylène Farmer. Ni mutine, ni particulièrement sarcastique ou réaliste dans son répertoire. Pas glauque ni gothique non plus. Non, juste romanesque, et forcément un peu old fashioned. La Barbra Streisand de notre génération. On a un peu de mal à imaginer une autre station de radio que MFM pour la diffuser, quoi.
Du coup, quand on voit cet ersatz de dessin de Margaux Motin qui lui sert désormais de couverture d'album pour Sans attendre, on ne peut s'empêche de se demander ce qui lui a pris. Elle se prend pour Jeanne Cherhal ? Elle cherche à viser un public plus jeune, apparemment ? Ou alors à se rapprocher des jeunes femmes urbaines ? En tout cas elle sort du montage photoshop perfecto kitsch pour se rouler dans la fange d'une certaine idée (nouvelle dans son univers visuel) de la modernité.
Et c'est là qu'on se dit que si on n'avait pas vu fleurir les blogs d'illustratrices à succès depuis 2007 (avec déclinaison en bouquins, publicités des marques qui les ont embauchées, etc.), Céline Dion n'aurait peut-être jamais eu l'idée de nous pondre cette pochette d'album (d'ailleurs on ne sait pas trop qui a effectivement dessiné cette pochette). Sans Pénélope Bagieu, sans Margaux Motin, sans Diglee, sans Les paresseuses, sans My Little Paris, la pochette de Sans attendre n'aurait jamais existé. En tout cas pas comme ça. La bloguerie BD / Lifestyle est arrivée jusqu'à Céline Dion et l'a influencée, bordel !
Cela signifie, probablement, que les blogueuses, qu'elles soient illustratrices ou non, ont contribué à définir, peut-être sans se rendre compte de la funeste implication que cela entraînait, ce que sont les idéaux des jeunes filles un peu romantiques qui aiment Céline Dion (et les jeunes pédés aussi) : la recherche du prince charmant et d'une certaine idée du bonheur (équilibre, job, santé, toussa), mais en n'ayant pas peur d'assumer un peu de galères, d'humour et de loose au passage. Elizabeth Bennet confrontée aux tourments d'une époque moderne marquée par la crise, les longues études, le chômage, les explorations sexuelles, les râteaux et, enfin, peut-être, le bonheur tel qu'on l'imagine lorsque l'on devient un adulte accompli (mais quand ?). 
Et si Céline Dion a réussi à passer d'un imaginaire teinté de Barbara Cartland à une vision de l'existence basée sur les pérégrinations lolesques en BD de quelques trentenaires urbaines marquées au fer rouge par la chick lit et les affres de l'entrée de la génération Y dans la vie adulte, ça veut probablement dire que la roue du romantisme a tourné. Pour le mieux, puisque désormais, les aspirations littéraires offertes à ces dames parlent autant de l'attente du prince charmant que de la recherche active de celui-ci (avec tout ce que cela implique : se bouger les fesses, s'adapter, être exigeante, choisir, renoncer, faire des efforts, en demander plus, négocier, en offrir plus, temporiser, etc.), assortie d'autres aspirations tout aussi nobles : avoir un job qu'on aime, des moments coolos avec ses amis, un alcoolisme mondain maîtrisé, des plaisirs consuméristes coupables, et pourquoi pas même être heureuse sans tous ces trucs. Céline Dion n'attendra donc plus l'Homme dans un salon high-tech ou sur un lit à baldaquin. Elle sera, elle aussi, une actrice de la loose quotidienne moderne. Et peut-être, bientôt, une fashionista. Ce qui est très émouvant, quand on se souvient de son look il y a vingt ans.

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