Et tandis que tu agonises

T’es à bord du Titanic. Tu la connais par cœur l’histoire, tu sais que le navire va couler, que ça sera la panique générale, qu’il y aura plein de morts, que même Leonardo va clamser, mais tu ne peux rien faire contre ça.
Et t’as beau dire au capitaine : « Mec, fais gaffe aux icebergs », c’est comme pisser dans un violon.
Regarder à la télé les chaînes d’informations en continu, c’est un peu être à bord du Titanic. Tu la vois venir la fin du monde, la 3ème guerre mondiale, le grand chaos, ce putain de monde va sombrer dans les attaques terroristes, la crise économique, les dérèglements climatiques, on va tous crever et même Léonardo, mais cette fois pour de vrai. Ton capitaine est un gland, ça ne t’a pas empêché de voter pour lui, mais tu ne le vois pas aujourd’hui sauver le navire.
Tu regardes toujours la télé, le journal de 20h, puis tu zappes sur une autre chaîne d’infos, les images tournent en boucle, toujours les mêmes, la violence en continu.
Tu te prends dans la gueule de multiples agressions visuelles, mais t’aurais pas l’idée de porter plainte pour coups et blessures morales. Après tout c’est toi qui a la télécommande. Il suffit d’éteindre la télé, mais tu ne le fais pas. En dessous des reportages, défilent les nouvelles du monde, les faits divers, que tu ne peux pas t’empêcher de regarder, comme des images subliminales.
Aujourd’hui un père a étranglé ses enfants. 45 civils tués dans les bombardements en Syrie. Le corps d’une femme a été retrouvé découpé en morceaux dans une poubelle. Tu arrêtes de lire. Le journaliste parle des deux jeunes massacrés à coups de poignards et de pioche. On ne te montre pas les images, mais c’est tout comme, on répète les mots « poignard » et « pioche ». T’es pas bien, t’as envie de vomir. Tu zappes, mais c’est encore cette même histoire. Et tu ne peux pas t’empêcher d’imaginer à la scène. Mais c’est toi qui es lacéré. C’est toi qui tombes sous les coups qui te déchirent l’estomac et le crâne.
Et tandis que tu agonises, sur ton canapé devant ta télé, dehors les gens vivent et tout a l’air pourtant si calme.