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Fiff – day 6 – A perdre la raison

Publié le 06 octobre 2012 par Anaïs Valente

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Nouvelle occasion de voir un film sorti récemment en salles et non encore vu par Bibi.  Il faut dire que j'ai longtemps hésité à voir ce film controversé : serait-ce du voyeurisme ?  Sans doute un peu, mais pas totalement, car il est clair que j'ai une grosse grosse tendance à vouloir comprendre le pourquoi du comment en matière d'affaires criminelles.

Si pour moi certains criminels ne valent pas la peine qu'on s'y attarde, tant la motivation de leurs actes est claire et nette (genre ceusses qui enferment des gamines dans des caves pour les violer, ceusses qui tuent leur ex et sa famille à l'arbalète ou ceusses qui emmènent leur pauvre gamin pour le fracasser sur des rochers après l'avoir fait appeler maman pour lui dire adieu et rendez-vous au paradis blanc), d'autres méritent qu'on s'y attarde.  Ou du moins le pense-je, ce qui n'est sans doute pas le cas de la majorité, mais j'assume.

Ainsi, en découvrant sur la Retebef l'an dernier l'histoire de cette jeune fille ayant tué son beau-fils, un tout chtit gamin, d'une façon vraiment sordide, en le brûlant à l'huile si je me souviens bien, outre d'autres tortures ignobles, j'ai pu mieux comprendre comment elle a pu en arriver là.  Comprendre, sans pour autant excuser.  J'ai oublié le nom de cette jeune fille, mais je me souviens autant du récit de l'horreur qu'a vécue cet enfant avant de succomber que de celui de l'histoire de son bourreau, et de la lettre qu'elle a écrite de sa prison, qui m'avait totalement bouleversée.  Cela n'excuse en rien ce qu'elle a fait, cela tente juste de l'expliquer, car, comme je le disais dans ma chronique sur Dead Man Walking, avant de devenir instrument de meurtre, tout criminel a été quelqu'un.

Voilà pourquoi j'ai voulu voir A perdre la raison, car il ne suffit pas de dire de la femme ayant inspiré ce film "c'est un monstre, égorger ses enfants, elle mérite la peine de mort" et basta.  Non, moi je veux comprendre ce qui l'a conduite à agir de la sorte, ce par quoi elle est passée, comment elle a pu en arriver là.  Comment tous ceux qui tuent leurs enfants en arrivent là, qu'il s'agisse d'un déni de grossesse, d'une dépression ou d'un désir de mourir soi-même en "sauvant" ses petits.

Et je pense que Joachim Lafosse, c'est aussi ce qu'il a voulu dire dans son film, et il a réussi.  Parfaitement.  Que dire de plus ?  L'histoire, on la connaît, nul besoin de la raconter, mais, durant près de deux heures, on entre dans la vie de cette mère, on l'accompagne dans le bonheur, l'amour, le mariage, puis les grossesses, la fatigue, le désespoir, la solitude, l'étau humain fait de son époux et de cet homme, sauveur familial autoproclamé, la violence, le pouvoir du fric, et enfin l'inexplicable, le drame, le coup de folie, l'irréparable.

Emilie Dequenne est formidable en femme d'abord lumineuse puis qui s'éteint au fil des années.  Je lui tire mon chapeau pour ce rôle qu'elle incarne à la perfection.  Elle bouleverse à un point que je n'aurais imaginé.  Un vrai talent.

Après la projection, les questions réponses avec le représentant de l'équipe du film permettent de mieux comprendre encore ce fait divers qui porte si mal son nom, fait divers que, surprise, les Français présents dans la salle ignoraient totalement, s'interrogeant durant tout le film sur l'identité de l'assassin ou la catastrophe potentielle qui tuerait les enfants (la première scène annonce la couleur).  Incroyables ces Français, qui ignorent encore qu'au-delà de l'hexagone, il y a un monde, si, si, je vous le jure, la planète bleue comprend d'autres pays et continents.

Mon moment "préféré" : la souffrance présente et à venir incarnée par Emilie Dequenne, la solitude intense, la détresse absolue, dans la voiture, au son de "femmes je vous aime".  Emotion intensément intense, et larmes larmement larmoyantes de ma part.

Merci Monsieur Joaquim Lafosse, pour cet éclairage que vous proposez, qui permet de faire la nuance entre "monstre" et "innocente".

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