Impérial Bonaparte dans La Conversation

Publié le 07 octobre 2012 par Lauravanelcoytte
Par Nathalie Simon Mis à jour le 05/10/2012 à 18:40 | publié le 05/10/2012 à 17:42
Maxime d'Aboville (à gauche) dans le rôle de Bonaparte et Alain Pochet dans celui de Cambacérès. Crédits photo : Victor Tonelli/ArtComArt

INTERVIEW - Maxime d'Aboville incarne avec force et humour le futur Napoléon, héros de La Conversation, de Jean d'Ormesson.

Si l'Histoire nous était toujours contée par Jean d'Ormesson, elle serait délectable. C'est le cas avec La Conversation, la première œuvre théâtrale de l'académicien présentée au Théâtre Hébertot, à Paris. Transposée sur scène par Jean-Laurent Silvi, elle restitue un entretien entre Bonaparte (Maxime d'Aboville) et Cambacérès, deuxième consul (Alain Pochet).

La scène se déroule dans un bureau aux Tuileries, au lendemain du 18 Brumaire. Si les propos du vainqueur de Marengo sont authentiques, ceux de son interlocuteur sont fictifs. Fictifs, mais plausibles. Imprégné de journaux intimes et de Mémoires de l'époque, «Jean d'O» a écrit des dialogues étincelants comme une épée. Gageons qu'ils doivent être très plaisants à dire par les comédiens.

Presque de la même taille que Bonaparte, Maxime d'Aboville égratigne pourtant d'abord l'oreille du spectateur par son timbre perçant. Un inconvénient auquel on s'habitue avant de l'oublier en quelques minutes, grâce au jeu de l'acteur, de plus en plus impérial. Maxime d'Aboville finit en effet par s'effacer sous la veste rouge aux fils dorés de l'homme qui voulait construire sa légende. Déterminé, exalté, mégalo, coq et pédant, le petit «homme pressé» - «J'aime pas traîner!» -, qu'il incarne véritablement prend le temps de parler à «cœur ouvert» à son fidèle Cambacérès.

Les deux hommes - Bonaparte surtout - parlent de tout. De nourritures terrestres, de Talleyrand, Fouché, Murat ou Robespierre qu'il admire, de Joséphine, dont il espère un héritier, de ses frères et sœurs qui lui «empoisonnent la vie». Etde ses rêves de grandeur. «Vivre sans gloire, c'est mourir tous les jours», assène-t-il. Général à 25 ans, l'ambitieux stratège de 34 ans caresse le rêve de devenir empereur. Il s'en ouvre au deuxième consul dont il n'hésite pas à tirer l'oreille ou à tapoter la joue. Plus il cause, plus Cambacérès le loue et le vénère.

Une volonté inébranlable

Regard sombre, coléreux, cassant ou narquois, Maxime d'Aboville n'en est pas moins drôle. La rapidité et la clarté de son débit trahissent la volonté inébranlable du futur empereur. Sa longue tirade sur le châle de Joséphine est un moment d'anthologie. Ainsi que son rôle l'exige, l'acteur belge Alain Pochet est davantage en retrait, disponible, ouvert, à l'écoute de son «idole», stoïque face à ses moqueries.

Formé par Jean-Laurent Cochet et devenu à son tour professeur d'art dramatique, Jean-Laurent Silvi, 27 ans, signe une mise en scène sans prétention et sans fioritures. Sa simplicité rappelle celle de Diplomatie, la pièce de Cyril Gely montée par Stephan Meldegg, une confrontation entre Nordling, l'ambassadeur de Suède à Paris, interprété par André Dussollier et le général von Choltitz, campé par Niels Arestrup. Le décor - un bureau Napoléon, bien sûr, et des rideaux clairs - et les magnifiques costumes de Pascale Bordet composent un cadre solennel à ce spectacle court, d'une heure, drôle, élégant et brillant.

«La Conversation», Éditions Héloïse d'Ormesson, 15 €.  Au Théâtre Hébertot Paris XVIIe . Du mardi au samedi, à 19 heures. Loc.: 01 43 87 23 23.


Jean d'Ormesson: «Le théâtre, c'est grisant!»

À 87 ans, Jean d'Ormesson fait ses débuts d'acteur au cinéma et d'auteur de théâtre.

Jean d'ORMESSON. - Je ne suis pas un spécialiste de Napoléon, ni un bona­partiste, mais j'ai lu des Mémoires de l'époque. J'ai découvert un Bonaparte entre 28 et 32 ans, éblouissant. Il est Premier consul et est sacré empereur, le 2 décembre 1804. Mais comment ce ­général corse républicain - nous dirions aujourd'hui de gauche - conventionnel et ami de Robespierre, a-t-il eu l'idée de devenir empereur? On ne peut pas écrire un roman là-dessus, les mots sont si brillants… Bonaparte comme Talleyrand, Fouché, Chateaubriand et Cambacérès sont des hommes du XVIIIe siècle et parlent un français extraordinaire. Il fallait le faire sous forme de pièce.

Oui. J'ai d'abord fait éditer le livre par ma fille avant de l'envoyer à des théâtres. Félicien Marceau, l'un des rares romanciers à avoir réussi au théâtre, me disait: «Quand un de tes romans a du succès, c'est anonyme, presque virtuel, tandis qu'au théâtre, tu as le public sous les yeux.» C'est grisant!

Presque tout! Le lycée, les préfets, le Code civil, la Légion d'honneur, l'Institut de France, la Comédie-Française, le cadastre… Nous vivons sur l'héritage de Napoléon. Peut-être nous en ­dégageons-nous un peu par les femmes qu'il n'a pas très bien traitées… Il y a six ans, j'avais lancé que Nicolas Sarkozy est un Bonaparte sur le pont de Neuilly. Il y a une espèce de parenté dans l'énergie, l'ambition et l'intelligence. Mais la grande différence avec Bonaparte est que la ­popularité lui a manqué.

(En riant.) Cette année, j'ai fait mes débuts au cinéma et au théâtre. À mon âge, je suis un vieux débutant!

Comme dit Homère, c'est sur les genoux des dieux!

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