J’ai garder ce billet pour la section Parole d’enfant ..car je le trouve savoureux de voir comment un enfant voit les choses (a noter que les fautes dans le texte est volontaire par l’auteur qui a écrit ce que la petite fille disait)
Nuage
Le journal de Mathilde
Les adultes sont bizarres
- © Istockphoto.com
Quatre ans, c’est le début des pourquoi.
Par Francine Ferland, ergothérapeute et professeure émérite , Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada
Mathilde veut faire comme sa grande sœur Valérie, 14 ans, qui tient son journal de bord. Comme Mathilde est trop petite pour savoir écrire, elle décide de le faire… dans sa tête. Aujourd’hui, elle nous parle des grandes personnes.
Les adultes sont compliqués pis bizarres des fois.
Les coqs
Quand ils parlent, ils ne disent pas toujours les bons mots. L’autre matin, maman a mis un oeuf à la coque sur la table pour mon déjeuner: j’aime beaucoup les oeufs à la coque. Mais là, je m’ai dit: «mais non, ça ne peut pas être un oeuf à la coq. Un coq, ça ne pond pas d’oeufs. On devrait dire: un oeuf à la poule».
Quand je l’ai dit à maman, elle a ri mais elle n’a pas compris. Pourtant, elle sait que les coqs ne pondent pas d’oeufs. Moi, je l’ai appris quand j’ai visité une ferme avec mes amies de la garderie.
Les cheveux en quatre
Des fois, grand-maman Louise aussi dit des choses drôles. L’autre jour, elle a dit: «il ne faut pas couper les cheveux en quatre».
Qu’est-ce qu’elle voulait dire? Pourquoi on voudrait couper ses cheveux en quatre? Papa aussi parle bizarre des fois. Il parlait de je ne sais pas qui et il a dit: «il est fort comme un boeuf mais têtu comme une mule». Têtu, ça veut dire qu’on ne veut pas écouter ses parents, qu’on ne veut pas faire ce qu’ils veulent. C’est drôle de voir dans sa tête une mule (ça, c’est un peu comme un cheval) qui veut pas prendre son bain ou manger ses brocolis.
Les roses
Les adultes se trompent aussi avec le nom des fleurs. Une fois, papa a apporté un bouquet de fleurs à maman; des belles rouges. Maman lui a dit: «Oh! Ces roses sont magnifiques!». Elles sontaient pas roses mais rouges. Maman m’a dit qu’il y a des roses roses mais aussi rouges, jaunes, blanches. Alors pourquoi on les appelle des roses? On devrait dire des roses, des rouges, des jaunes, des blanches.
Trois pommes
Mais le plus drôle, c’est mon grand-papa Robert. Il parlait de mon cousin, Mathieu, le frère de ma cousine Maude qui reste à Québec. Grand-papa a dit: «il est haut comme trois pommes, mais il sait déjà ce qu’il veut». Mathieu est bien plus grand que trois pommes. Il m’arrive au nombril. Il est haut comme … dix pommes.
L’anglais
Des fois, on dirait qu’ils ne savent pas des choses qu’ils devraient savoir. Par exemple, l’anglais. L’anglais, c’est parler pas comme d’habitude. On dit des mots bizarres et il y a juste quelques personnes qui comprennent. Moi, je connais des mots en anglais: «I love you». Ça veut dire «je t’aime». Valérie apprend l’anglais à l’école. L’autre jour, je lui ai dit: «I dolou me tou» et je lui ai demandé ce que je venais de dire. Elle m’a répondu: «rien du tout». Je pense qu’elle ne comprend pas l’anglais et que ça sert à rien ses cours en anglais.
Les mots
C’est comme quand j’écris. Je me force et je fais les mêmes lettres que maman sur sa liste d’épicerie qui est sur le réfrijateur. Mais quand je demande à maman ce que j’ai écrit, elle me répond des choses comme: «ça ressemble à … pa..ri..me». Comment ça se fait qu’elle ne reconnaît pas le mot qu’elle a écrit sur sa liste? Pourtant, c’est sûr qu’elle sait lire. Elle travaille dans les livres. C’est drôle!
L’électricité
Maman n’aime pas toujours mes questions. Elle me dit souvent: «demande à ton père». Peut-être que papa connaît plus de choses qu’elle. L’autre jour, je voulais savoir pourquoi, quand je pousse le bouton dans ma chambre, la lumière s’allume. Papa m’a dit que quand on pousse le bouton, ça dit à l’électricité qu’il fait noir, alors l’électricité allume la lumière. C’est comme le téléphone. Il y a un fil qui le fait sonner quand quelqu’un veut nous parler.
Les nuages
Je sais aussi pourquoi les nuages se promènent dans le ciel: c’est le vent qui souffle dessus. Je sais aussi que quand il pleut, c’est pasque les nuages, ils ont trop d’eau: ils crèvent et la pluie tombe. Si les nuages sont très très froids, c’est de la neige qui tombe.
Le tonnerre, ça, je ne suis pas sûre d’où ça vient, mais j’ai peur quand il y a de gros orages; je ne veux pas attraper un coup de foudre. Une fois que j’avais peur du tonnerre, maman m’a dit que c’était un monsieur qui vivait dans le ciel qui s’amusait à jouer du tambour. Je sais que c’est une blague.
Les cacas
Un jour, j’ai demandé à Papa pourquoi les cacas puent. Il m’a dit que mon corps garde ce qu’il a besoin et se débarrasse de ce qui est moins bon. C’est pour ça que les cacas puent. C’est comme les vidanges.
Les questions
J’ai encore plein de questions dans ma tête.
- Où il va le soleil, la nuit?
- Pourquoi le soleil est jamais là quand il pleut?
- Pourquoi il y a des gens qui fument?
- Où j’étais avant d’être dans le ventre de maman?
- Pourquoi le sang, il est rouge?
- Pourquoi il y a des gens qui sont noirs?
- Pourquoi, dans les livres, les pommes sont toujours rouges: moi, j’en mange qui sont vertes ou jaunes.
- Où vont les pipis et les cacas quand on les fait partir de la toilette?
- Pourquoi le pipi des mouffettes pue?
- Pourquoi, des fois, il y a des arcs-en-ciel? C’est qui qui les fait?
Commentaires de l’auteure Francine Ferland
Quatre ans, c’est le début des pourquoi. L’enfant pose de nombreuses questions pour comprendre ce qui l’entoure. Une réponse simple suffit. Si l’explication est trop longue, l’enfant n’écoute plus; si elle est trop vague, il ne comprend pas.
Par ailleurs, à cet âge, l’enfant associe à chacun des mots une seule signification. Un coq ne peut être que le mâle de la poule et rose réfère à une couleur. C’est à l’âge scolaire que l’enfant entrera dans la subtilité des jeux de mots. Vous aurez alors droit à toute une série de blagues, de jeux de mots simples, qu’il sera tout heureux d’enfin comprendre.