LE MONDE |23.08.2012 à 14h24 • Mis à jour le23.08.2012 à 14h25
Par Harry Bellet
A L'Isle-sur-la-Sorgue, on aime les poètes. René Char y naquit, en 1907. L'hôtel Donadéï de Campredon abrita longtemps quelques salles qui lui étaient dédiées, jusqu'à ce que sa veuve, fâchée avec la politique d'expositions qui s'y tenaient en parallèle, décide de mettre fin à l'expérience en 2010. Mais gageons que ni elle ni son époux ne désavoueraient l'actuel accrochage des œuvres de Nils-Udo. Pas seulement parce que les dessins de l'artiste allemand sont dignes de ceux de Nicolas de Staël, qui fut un proche de Char, mais surtout parce que, dans son genre, il est poète lui aussi. Du moins au sens où l'entendait Madame de Staël, pas l'épouse du peintre mais son ancêtre Germaine, pour laquelle le mot pouvait désigner une réalité naturelle. Or la nature, c'est le sujet de Nils-Udo.
A ne pas confondre avec le land art. Quand il commence à travailler directement sur le paysage, au début des années 1970, Nils-Udo n'y prête aucune attention : "A l'époque, confiait-il dans Le Monde du 18 avril 2003, dans mon monde paysan, entouré de vaches, je pensais être le seul à travailler comme ça. Je savais que le land art existait, mais je n'y pensais même pas. La différence, c'est que le land art ne se préoccupe pas de la vivacité de la nature. Ses auteurs s'intéressent à leur pièce, pas à ce qui l'environne. Moi, ce qui m'intéresse, c'est le fait que les choses vivent, se développent et meurent. C'est toute la nature qui m'entoure. Je m'y intègre, je travaille au rythme des saisons."
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Trou rond empli d'eau
Avec les saisons aussi, comme en témoignent ces deux photographies d'un trou rond empli d'eau. Un cliché est pris l'été, l'herbe est bien verte et un fragile faisceau de roseaux couronne le cercle. L'autre est pris l'hiver, et la neige mérite réellement cette fois son image éculée de linceul. On s'attardera devant les tirages photographiques, seules traces de ses interventions, dont Nils-Udo surveille le développement avec un soin maniaque et auxquels les reproductions rendent rarement justice.
A L'Isle-sur-la-Sorgue, outre les dessins et les photos, il y a aussi des tableaux. Les commentaires ont été acerbes lorsque Nils-Udo a repris les pinceaux au mitan des années 2000. Très récemment encore, l'excellent "Lunettes rouges" s'avouait dans son blog Amateur d'art peu convaincu. Pourtant la peinture à l'huile, par ses qualités de ductilité, de fluidité, convient admirablement au propos de Nils-Udo, et certaines font l'objet de cadrages renversants, qui aident à appréhender la vision que l'artiste a de la nature : un regard d'enfant, pas encore pollué par la perspective.
Pour mieux le comprendre, on ne manquera pas, dans la dernière salle, la projection de deux documentaires. L'un est intitulé Nils-Udo, le plasticien de la nature, ce qui résume bien le propos. L'autre le montre intervenant dans un parc américain pour construire un nid géant, le Clemson Clay Nest. Il décrit très bien la méthode Nils-Udo, qui commence par la marche à pied et l'observation de ce que la nature offre alentour. Un vieux philosophe définissait l'art comme ce qui donne des mondes à penser. Certes, mais donner le monde à voir, ce n'est pas mal non plus.
"Nils-Udo, nature (élément)". Campredon centre d'art, 20, rue du Docteur-Tallet, L'Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse). Tél. : 04-90-38-17-41. Du mardi au dimanche, de 10 heures à 13 heures et de 14 h 30 à 18 h 30. Entrée 6 €. Jusqu'au 7 octobre
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/08/23/nils-udo...