René Char, comme aucun autre poète au XXe siècle, a mené avec les peintres une exploration
commune. Avec Lettrera amorosa, Poésie/Gallimard(que j’ai déjà lu) a déjà porté témoignage de ce mouvement unique, maîtrisé, de création à deux. Avec L'Effilement du sac de jute, c'est une semblable alchimie qui est à l'oeuvre.
Ce que souligne très précisément Dominique de Villepin dans sa préface :
« Le poème est l'amour réalisé du désir demeuré désir. Acte et surgissement dont témoigne cette œuvre qui s'offre ici à nos mains. Prenons l’affirmation de René Char à la lettre. Ici, il n'y a pas d'un côté des poèmes, de l'autre des peintures. Il y a un poème. Un désir commun et partagé, une amitié d'esprit qui se serait, comme par accident, déposée sur ces pages. Il n'y a rien d'éparpillé, il n'y a pas d'encres coulées et bues par le papier épais. Il n'y a pas de créations en regard. Il n'y a qu'une seule chimère de formes et de sens agglomérés qu'il convient non de regarder, ni même de contempler, mais d'accueillir. Son être en effet l'attend. Dans la rencontre d'un autre désir demeuré désir, que le lecteur lui porte d'un œil rond. Ici, le désir de peinture d’un poète a rencontré le désir de poème d’un peintre. Zao Wou-Ki et René Char s'y entretiennent. L'un et l'autre ont exprimé souvent ces quêtes complémentaires, René Char avec Georges Braque, avec Joan Miró, avec Giacometti, avec Vieira da Silva et Zao Wou-Ki avec Henri Michaux, avec Yves Bonnefoy, avec Roger Caillois, exemples parmi tant d'autres. Des étincelles splendides se sont constellées dès avant cette brassée de tisons éclatants ».