Alfred Nobel. L’inventeur de la dynamite ; création qui a fait le bonheur de l’industrie minière et du terrorisme international. L’auteur également d’un testament désormais célèbre dans lequel il émet le souhait de voir distribuée, via une fondation, sa fortune personnelle à des personnes « ayant apporté le plus grand bénéfice à l’humanité ». Une initiative digne de ces bonnes intentions dont l’enfer est pavé. Mais un dessein susceptible de réveiller de vieux démons vaniteux et provoquer un raffut de tous les diables.
Car l’existence de ce genre de distinction, dont les humains sont particulièrement friands, ne va pas sans poser quelques interrogations légitimes. Notamment quant à son mode d’attribution. Les membres des comités chargés de décerner ces prix étant nommés, et non élus, il est particulièrement intéressant de lire dans les conditions à remplir pour obtenir le prix Nobel de la Paix : « La promotion du modèle démocratique ». C’est donc l’hôpital qui se fout de la charité et la Fondation Nobel, de la gueule du monde.
Celui attribué à l’Union Européenne pour l’ensemble de son « œuvre pacificatrice » fut décerné par un comité présidé par un certain Thorbjørn Jagland, secrétaire général du conseil de l’Europe. Dommage qu’il n’existe pas de prix Nobel du conflit d’intérêt. De même qu’il est désolant de constater qu’il n’existe pas non plus de prix Nobel de l’humour. Ce brave Thorbjørn aurait surement signé un doublé lorsque l’on sait qu’en 2009, il approuva l’attribution du prix Nobel de la Paix à Barack Obama. Une décision qui dut exciter les zygomatiques du peuple afghan, irakien, palestinien, cubain… (liste non exhaustive).
De même pour les autres domaines tels la physique, la chimie, la médecine. Que serait un scientifique lauréat du prix Nobel sans l’équipe qui l’entoure ? Pourquoi ne pas simplement mettre en valeur le travail collectif ? Combien de morts évités si les connaissances étaient effectivement mises en commun et non jalousement dissimulées dans le but de se proclamer premier à découvrir tel ou tel remède, tel ou tel vaccin ? Comment sortir d’une telle logique de compétition aussi aberrante que contre-productive ? Gloire à celui qui, comme Jean-Paul Sartre, refuse de se laisser enfermer dans cette absurdité et déclare « Je ne serai jamais récipiendaire du Prix Nobel, tant et aussi longtemps que je pourrai encore agir en le refusant ».
Ainsi en va-t-il de même pour tous les prix, les médailles, et autres hochets avec lesquels on mène les hommes comme le disait Bonaparte, instigateur de la légion d’honneur. À l’abattoir oublia sans doute de préciser le chef guerrier. Aujourd’hui, la sanction est moindre pour tous les détenteurs de ce type de décoration car, heureusement pour eux, le ridicule ne tue pas.
Guillaume Meurice
15/10/2012