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Eternelle jeunesse de Georges Prêtre

Publié le 15 octobre 2012 par Podcastjournal @Podcast_Journal
C'est frappé du deuil le plus cruel pour un père, que Georges Prêtre est monté au pupitre du Philharmonique de Monte-Carlo samedi soir. En rendant hommage à son fils disparu voici peu, l'immense chef d'orchestre a rempli d'émotion l'Auditorium Rainier III, par sa simplicité, son humanité et surtout l'immense affection, visible et sincère, qu'il porte à la phalange monégasque.
Allons droit au but. Qui mieux que lui peut rendre dans sa vérité première la musique de son vieux complice Francis Poulenc?
Voici en ouverture la suite du ballet "Les animaux modèles" traduite avec intelligence, saveurs, esprit et clarté.
Le grand Maestro joue habilement sur les changements d'atmosphères, les parfums et la délicatesse des impressions d'un temps de guerre. Pour cette parabole sur six fables de La Fontaine, la sonorité ronde et chaleureuse des cordes est d'une élégance toute bourgeoise. Cette musique délicieusement bavarde qui passe successivement de la musique de chambre à celle du cabaret ou la fête populaire restera pour beaucoup un réjouissant bain de jouvence.
Le duo anticonformiste, déluré, des sœurs Katia et Marielle Labèque, largement médiatisé, restera toujours aussi sympathique, atypique, car traversant des répertoires très différents avec sensibilité, humour, décalage, dans un mélange de liberté et de sérieux qui aurait suscité, chez Poulenc même "un sourire approbateur"...
Il y a dans son "Concerto pour deux pianos" ce mélange tonitruant de rythmes enivrants et de berceuse (dans le mouvement lent) qui fait penser à Stravinsky, Mozart et Gershwin. Les cuivres, frénétiques, amusent l'oreille, et la virtuosité des sœurs Labèque simplement ébouriffante.
Comme pour contrebalancer la dimension "chambriste" de la première partie, Georges Prêtre a choisi, pour terminer une soirée à la french touch très étudiée, l'immense fresque moussorogskienne des "Tableaux d'une exposition", hommage aux coloris instrumentaux de la musique russe. Ces tableaux, tour de force de Ravel, sont russes autant que français!
Avouons-le d'emblée, la maîtrise technique du Chef est véritablement impressionnante, sa battue si particulière pour certains, impose une ductilité et une légèreté incroyables. Il arrive à donner à l'orchestre une cohérence, une cohésion admirables. Ici, les oreilles peignent pour nos yeux. L'audace viendra dans les infimes variations de phrasés, ce rubato sensuel, ces nuances comme finement sculptées. Les cuivres rutilent de belle manière, les catacombes atteignant une profondeur presque abyssale. Dans sa grandeur assumée, le final, époustouflant, laisse pantois. Le public en ce samedi soir est ébloui, l'orchestre souriant de bonheur.
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