Dans cette ville le vent décorne parfois les boeufs, les cocus, ça, je sais pas, dans cette ville quand tu prends une bière, des perles d'embruns de larmes salées, portés par le vent, viennent faire frissonner la mousse au bord de ton verre, dans cette ville il y eut bien des départs vers un monde étrange, nouveau, attirant, dans cette ville il y eut du rouge sang fanaticocalotin, du sang bien rouge abondamment versé, dans cette ville le ciel quand il se montre est plus bleu qu'ailleurs, dans cette ville il y a un chat en faïence sur un toit très très haut, dans cette ville près de l'écluse un mur de liseurs figés te salue, hilare, dans cette ville tu peux pisser pour trente centimes d'euro, gratos aussi face à l'océan sous les remparts, dans cette ville une chaîne colossale barrait l'entrée du port, elle n'y est plus, dans cette ville la mer se décline chez le marchand de journaux on y lit les marées, les arrivées et les partances des bateaux, dans cette ville la pierre te dit plein d'histoires vraies, faut savoir simplement prendre son temps, laisser son oeil effleurer les murs ras-bordés de stigmates douces ou cruelles, dans cette ville de bordées, de babords-tribords et autres tonnerres de presque Brest t'as pas le coeur au bord des lèvres, au contraire tu te pourlèches les babines sur les remparts, dans les tours, les rues, les bistros et les pontons, dans cette ville même si t'as pas le pied marin c'est pas grave : ça le fait quand même : t'es invité, dans cette ville tout est voile et bastingage, solide et aérien, dans cette ville facile de prendre le large, tout prend le large d'ailleurs, dans cette ville définitivement fleurdelisée t'as un pied à Sainte-Anne-de-Beaupré, un autre à Tadoussac, l'autochtone du coin ne sait pas s'il est pêcheur ou saulnier, huron ou montagnais, dans cette ville t'es partout et t'es là, dans cette ville j'y vais, j'y viens, j'y reviens, toujours nouveau depuis près de quarante ans, y'a toujours du neuf, dans cette ville j'y suis bien...