Les images que les chrétiens se font de Simone Wiel, sont souvent de nature
hagiographique...
Ainsi, Camille Marcoux, son condisciple et ami, avec qui elle partage militantisme et discussions interminables dans les cafés, subit son caractère intraitable : il commet l'erreur dans un exposé de citer Bouglé ( sociologue, et directeur adjoint de Normal' Sup ) l'ennemi juré de Simone... « elle dit à mes camarades, que pour elle, j'étais mort. ». Pendant plusieurs mois, elle ne lui adressera plus la parole …
En cagne, elle s'amuse d'en être arrivée aux coups avec le censeur, qui a interdit qu'en classe garçons et filles s’assoient côte à côte . Elle méprise ostensiblement l'histoire, et sera recalée à sa première tentative pour entrer à l'école normale.... Beaucoup de ses camarades l'évitent, pour ne pas être invité à signer une pétition, à se rendre à une manifestation, ou à contribuer à un fonds de grève d'un syndicat..etc
Simone choisit de passer pour un garçon manqué. Elle refuse tout signe de féminité, s'enlaidit, déteste le contact physique, préfère la compagnie des hommes avec qui elle fume et discute sans ménagement. Cependant, elle repousse avec opiniatreté toute attention masculine, surtout de nature physique. On la trouve intimidante, dépourvue de tact, mais admirable pour sa détermination et ses idéaux.
Groupe de collaborateurs de l'Ecole émancipée, congrès de Grenoble, 1926
Grève générale du 6 février 1934
Elle se proclame bolcheviste, syndicaliste révolutionnaire. Le travail manuel est à ses yeux, la voie royale pour la connaissance de soi. Cette vision repose sans doute sur une vision idéalisée du prolétariat...
Elle passe tous ses congés à travailler et partager la vie des ouvriers agricoles ou des marins pécheurs. Professeur, elle fuit ses collègues enseignants pour retrouver les ouvriers en grève, et participer à l'éducation des masses populaires … Le rectorat, après plusieurs inspections, la déplace du Puy, à Auxerre.
Elle néglige son alimentation, frise l'anorexie, verse l'excédent de son salaire à une caisse de chômeurs.
Elle critique la bureaucratie du parti communiste au profit du syndicalisme révolutionnaire, et compare, dès 1933, le communisme russe au national-socialisme d'Hitler. Souvarine est devenu un ami cher à Simone ; on voit en elle, une nouvelle « Rosa Luxembourg ».
Un petit air estival et léger en août 1933 ; ses parents la rejoignent en Espagne, à la mer. Un collègue militant trotskiste, Aimé Patri, l'accompagne...
Ils l'ont rarement vue ainsi détendue et heureuse. Elle passe une bonne partie de ses journées à la plge et vit pratiquement en maillot de bain – le directeur de l'hôtel doit lui demander d'enfiler un peignoir au moment des repas - . elle délaisse ses lunettes et ses vieux habits ( qui la déparent ), et son ami Patri se rappelle avoir été frappé par sa beauté.
A la rentrée 1933, Simone Weil est nommée à Roanne : ville industrielle. Quoique la directrice échoue à la convaincre de noter ses élèves et quoique ses collègues la décrivent comme une figure évanescente toujours plongée dans un livre allemand tel que das kapital, elle s'attire la sympathie et le respect de tous.
A Noël, elle convainc ses parents d'accueillir Léon Trotski, et se disputera avec lui … !
Sources: "Simone Weil" de Francine du Plessix Gray. ( Fides)