Max | Clochette

Publié le 19 octobre 2012 par Aragon

Elle me dit de les poser bien à plat sur le sol quand je marche pieds nus à la maison, au jardin. De ne pas rester sur les talons, ou sur "la tranche". De bien "écraser" la voûte plantaire sur le sol, pas faire semblant, pas être faussement debout, s'ancrer dans le plancher, dans le sol, "... t'as peur de quoi" me dit-elle ? Elle éclate de rire quand je lui dis piteusement que c'est... de les salir. "Tu joues à quoi en marchant comme un funambule ?"

Elle me dit d'allumer les lumières dans la maison quand il fait sombre, de ne pas rester dans la pénombre, une vie ça s'éclaire me dit-elle. Éclats de rire à nouveau quand je parle d'économies !

Elle me dit d'aérer, d'ouvrir les fenêtres, les volets, en grand, en très grand. "Tu moisiras de l'intérieur si tu ne le fais pas" me dit-elle en éclatant de rire, "l'air doit circuler librement, de pièce en pièce, il doit jouer à saute-moutons dans la maison". 

Elle me dit que ma voiture doit servir, utiliser la "vieille" pour économiser la "neuve" qui dort sous un drap dans le garage, qui ne doit rouler que "le dimanche", c'est à mourir de rire me dit-elle. 

Elle me dit de ne pas me forcer à finir mon assiette quand je n'ai plus faim, de ne pas garder des restes dans le frigo si je n'en n'ai pas envie. Les ventres affamés du monde ne se nourrissent pas de morale et de compassion me dit-elle. "Tu n'es plus un enfant à qui l'on fait la mauvaise leçon..."

Elle me dit qu'une bouche c'est aussi un endroit par lequel des mots peuvent et doivent sortir, c'est utile une bouche poursuit-elle en me donnant un coup de baguette magique sur les lèvres, les mots sont indispensables à la vie, à l'échange avec l'autre.

Elle me parle des valises dont on ne se débarrasse jamais mais qu'il faut ouvrir pour regarder le contenu, le répertorier afin de le rendre plus léger, elle me dit de rire et de chanter, de profiter de la vie - éphémère - qui se dessine comme nuages dans le ciel. Que je dois dessiner aussi à ma façon, dessiner et peindre, recouvrir de belles couleurs.

Elle me dit de vivre. Elle me dit plein de trucs encore. Personne ne la voit, y'a que moi. Elle n'existe pas officiellement. Est-elle fruit de mon imagination ? Mais il me semble qu'elle ne me quitte pas. Jamais. Elle volette au-dessus de mon épaule.  Elle est vive, quelquefois râleuse ou soupe-au-lait, parfois sévère, toujours patiente, marrante, fine, intelligente, mignonne, insaisissable. Ma fée Clochette.