En ces temps où le nord est mis à l'honneur grâce à Dany Boon, j'ai décidé de ressortir une note de derrière les fagots, une note que j'avais écrite sur feu le blog collectif de Mez, entièrement écrit en ardennais (enfin presque), ce patois doux et délicat qui est le mien.
"T'es cô lô toi ?" Autrement dit, sans oublier l’accent mélangé du nord et de la Belgique : t’es encore là toi? Cette délicieuse expression me vient directement des Ardennes, mon pays, ma patrie, mon sang, ma bataille (...)
Comme tous les français de leur coin, le vert département des Ardennes (dont l'emblème est le sanglier) possède son patois et ses bonnes expressions locales, celles qui font rire les gens du sud de la France dans lequel je vis depuis bientôt 6 ans maintenant et qui me font rire aussi quand elles ressortent sans prévenir. Car le patois est fourbe.
On a beau essayer, se forcer, se reprendre, quand on est né quelque part et qu’on y a vécu les 17 premières années de sa vie, le patois est incrusté. Alors bon, ça décline, ça se raréfie, s’arrange un peu, mais sans s’en rendre compte parfois, ça sort tout seul. Et quand on y retourne pour rendre visite à sa famille pour ne serait-ce qu'une petite semaine, bizarrement tout revient d’un coup, sans rien demander ! Certaines expressions qu'on avait oubliées refont surface. C'est marrant.
J'ai eu envie de vous faire découvrir ce beau langage en inventant une petite histoire, ou plutôt un dialogue. Ce doux billet va donc vous faire découvrir les quelques expressions ardennaises que vous serez amenés à entendre si jamais un jour, en manque de pluie et de grisaille, ou par simple curiosité, vous décidiez comme ça hop, d’aller faire un tour à Sedan, à Charleville-Mézières (vous savez, la ville de Rimbaud), ou bien encore à Fumay ou à Rocroi (attention minute info: Rocroi qui a son propre fromage d’ailleurs, le Rocroi, ben ouais, pourquoi faire compliqué, dont l’odeur peut vous tuer en un instant, mais qui fait 0% de matière grasse et est excellent à manger, je me souviens que son odeur était si forte qu'on le laissait mûrir sur le bord de la fenêtre) ou Revin (ma ville natale) - pour ne citer qu’elles.
Un petit dialogue sera bien plus sympathique qu’un lexique un peu chiant. Je vais essayer d’y insérer un maximum de mots que je connais mais je vais en oublier, c’est sûr. Allez c'est parti, n'oubliez pas de prendre l'accent nordo-belge, important:
-”Salut la quette, comment çô vô?
-Oh ma couille ! Bô çô vô et toi? Quoi de neuf ? J’ai appris pour les doyes de ta femme ! Qu’est-ce qu’elle a co fait don ?
-Ah m’en parle pas, quelle histoire ! J’ai failli lui coller une beigne, elle veut rien écouter ! Quand je lui dis kekchose, c’est toujours pareil, elle m’écoute pô et vlà le résultat!
T’sais depuis quelques jours ça n’a pas arrêté de dracher dehors et à force y avait de la gadouille partout dans le jardin, t'sais devant chez nous lô. Et la vlô qui se met à courir pour rentrer plus vite, elle s’est cassée la margoulette juste devant la porte! Les crolles pleines de bouillasse. Même pas l'temps d’attraper la cliche qu’elle était par terre, la grosse doye broyée ! Elle a buqué dans un caillou. Heureusement que je beuquais par la fenêtre, j’aurais pas été lô elle aurait fait quoi ? Je lui ai gueulé dessus: t’avais qu’à ouvrir tes ouilles et pas courir nom de dieu !
-Vinguette, c’est pas d'chance çô ! Du coup tu l'as soignée ou quoi ?
-Tu ries lô toi, j'suis pô docteur, en plus y avait pas grand yauque à la maison pour la rafistoler, on est parti tout de suite chez le toubib. C’est un vrai pinpin le toubib de garde; il lui a prescrit 1 seule boîte de médicaments, je lui ai demandé d’en rajouter une rawouète, elle avait mal faut pas déconner ! Mais ça va mieux là, elle peut remarcher depuis lundi. Tu restes à manger avec nous ce soir?
-Ah ouais j'veux bien ! Elle a fait quoi de bon à manger ta femme?
-Ce soir, elle a fait la cacasse à cul nu. Elle hésitait avec la Bayenne, mais la dernière fois j’ai failli m’estroner avec, du coup lô c'soir elle fait la cacasse.
-Peccab', j’adore ça, j’en boufferais sur la tête d’un pouilleux, à chaque coup je rachonne l'assiette, c’est plus fort que moi.
-Héhéhé, bah profite hein, te gêne pô. Tu bouffes comme quatre et t’es épais comme un soret toi. Je te ferai goûter une nouvelle bibine à l'apéro. J'l'ai trouvé en Belgique tu me diras quoi.
-Ouais piam piam quand même avec la bibine, quoique je vais bien manger après ! Crois-moi qu'y restera que des brôques de la cacasse !
La femme, à sa fenêtre:
-Ah vous vlà ! Et toi, où qu’c'est qu’t'étais co voy?”
Ben mine de rien, ça m’a pris un de ces temps d’écrire en ardennais ! Pas facile de se souvenir de tout. Pour la traduction, le petit jeu va être de me traduire les mots. Hé ouais la quette ! Vous avez toute la place en commentaire pour le faire. Amusez-vous bien, je ferai une édition de la note avec le texte en français. A la revoyure !