J'ai découvert une exposition de jeunes photographes qui vaut le détour. Ils devaient être trois, ils sont finalement quatre à nous proposer leur regard face à la vie, tout simplement. Ambitieux projet, mais vécu avec la simplicité de ceux qui n'ont pas besoin de justifier leur démarche par de vastes théories pour se sentir crédités.Le lieu choisi déjà : un espace magique, un patio, en plein quartier des Marolles, idéal pour exposer. Un travail ensuite, dont la profondeur ressort justement de l'esprit hautement subjectif qui en est la source, et qui a su donner à des endroits sans issues ou paraissant sans intérêt ce supplément d'âme que le voyageur n'est en général capable de rapporter que dans son coeur. C'est pour moi ce regard qui fait le photographe.
Vous auriez pu voyager à leurs côtés au moment où les photos ont été prises, et ne découvrir la substance de votre escapade qu'en regardant leurs photos a posteriori.
Je vous dis cela parce que j'ai déjà vécu une telle expérience, ce qui m'a permis de concevoir qu'avoir un regard sur les choses que l'on découvre ne se fait pas naturellement, ça s'apprend, et une observation livresque et touristique peut être éminemment différente d'une perception humaine ou artistique.
En visitant l'exposition, j'ai rencontré Julie de Bellaing, ou plutôt, elle m'a abordée. J'ai compris alors comment elle avait pu lors d'un séjour d'à peine quelques jours à Madagascar, acquérir la confiance de ceux qui sont devenus ses modèles le temps de ces quelques clichés exposés aujourd'hui sur des murs bruxellois.
Souriante et humble, elle me montre ses photos avec ce mélange de passion et d'attente de ma réaction. Elle semble avoir impliqué beaucoup d'affect dans ces photos prises en marge d'un reportage commandé.

Et ce, sans tomber dans un misérabilisme pathétique qui ne rendrait pas justice à la dignité et à la joie de ces moments vécus.
Un petit quelque chose qu'on reconnaît également dans un reportage de scènes de vie du même auteur, en Wallonie cette fois, quelque part entre le rire et la nostalgie, le passé et le présent, dont une petite fille serait le lien ténu.
Benoît Theunissen nous livre quant à lui un beau reportage sur Derb Marrakech, plus classique, en couleurs, évoquant les problèmes de ce quartier qui ne bénéficie pas des lumières d'une ville qui ne cesse pourtant de fasciner les Occidentaux. Le photographe à souhaité montrer l'envers du décor, au travers de portraits d'habitants.
D'autres photos de lui, sur le Kosovo cette fois, m'interpellent. Pour transmettre ces images, il a opté pour le noir et blanc, qui est effectivement fort opportun pour rendre cette sensation de profondeur qui règne en ces lieux, en rapport à la souffrance passée, aux déchirures, à ce qu'il y a à reconstruire et à la volonté de le faire, on ne sait.
Un très beau reportage en tout cas, aux points de vue intéressants et intelligents, qui laissent transparaître toute l'hébétude que l'on peut ressentir à débarquer sur un territoire qui, comme Benoît Theunissen le dit si bien, à vécu des épreuves inimaginables pour les jeunes Occidentaux qui n'ont jamais vécu la guerre, alors qu'ils étaient aux portes de notre belle Europe. Les photos de Gaëtan Chekaiban complètent fort bien ce tableau par des portraits et des scènes de vie.

