Oui, je sais, ça faisait un petit bout de temps que notre académie ne pondait plus grand chose. J’ai eu moult récriminations à cet égard. Du genre : c’est bien beau tous ces alexandrins, mais ça n’intéresse personne, et pendant ce temps le vocabulaire continue de se flétrir, de s’étioler et de faner. Or donc, au hasard de divers rangements et classements, pendant qu’il pleuvait dehors, j’ai retrouvé le présent vocable dont je vous propose ma définition, en exclusivité mondiale. N.b. ce mot n’est pas de moi : rendons à César ce qui appartient en l’occurrence au Grand Semainier de notre dictionnaire, resté dans les mémoires pour avoir produit presque tous les jours de la semaine sous des formes inédites. Pour les débutants y’a pas le choix va falloir de fader tout le blog depuis son origine. Tant pis pour vous ! Fallait être là au commencement.
Télépeler : v.tr. et/ou int. C’est comme vous voulez, vous allez voir. Du grec télé qui veut dire de loin, comme télévision, voir de loin, téléphoner, parler de loin, télégramme, grammer de loin, téléphérique, phériquer de loin, et téléniquer, qui veut dire avoir de l’imagination. Et de peler : ce qui de suite interpelle. Ca pourrait même être le cas de le dire. Mais non. Pas vraiment. S’agirait-il de peler de loin ? Des fruits ou des légumes ? S’agirait-il, pour employer une expression un peu… populaire, (ce qui n’est pas le genre de la maison…), de se peler de loin, c’est à dire d’avoir froid à distance ? Rien de tout cela. Si j’en crois, car il a quand même bien fallu m’en remettre à quelques exercices paranormaux, si j’en crois donc ma boule de cristal après l’avoir trempée dans du marc de café en passant sous une échelle accompagné d’un chat noir lors du dernier vendredi 13 que nous traversâmes, (ce qui remonte au mois de juillet dernier – bonjour l’anachronisme !), ce « peler »-là serait une contraction dont aurait accoucher le verbe appeler. Lequel verbe appeler aurait donc au passage perdu son a et son premier p. C’est pour ça que c’est trompeur. Mais heureusement je veille, et même si à l’heure où j’écris cet article des études sont encore en cours pour confirmer cette hypothèse, il n’y a pour moi plus de doute possible. Sinon c’est l’bordel !
Donc télépeler signifie, ou signifierait, pour rester mesuré vis à vis de qui précède compte tenu de ce qui va suivre cependant que je continue, signifierait donc appeler de loin. Redondance ? Dans quelle situation appelle-t-on si ce n’est parce que l’autre est loin ? Si cet autre est assez près, on n’a pas besoin d’appeler. On n’a juste à dire : « Tiens, t’es là ! Ca tombe bien, j’ai un truc à te dire ! » Raisonnement à proprement parlé complètement ahurissant d’indigence neuronale. Franchement si vous utilisez le matériel qui subvagit plus ou moins mollement dans votre bocal osseux à obtenir des conclusion dans ce genre, envoyez immédiatement votre cv à TF1, il paraît qu’ils embauchent en ce moment.
Non soyons sérieux : si ce verbe, télépeler existe, c’est bien que des situations très particulière en requièrent la précision lexicale. Songeons à un verbe qui voisinerait bien avec télépeler : télépather. Le grand, (et gros), Devos nous en fis jadis un exposé qui reste dans toutes les mémoires. On se disait après l’avoir entendu : « Télépather, c’est épatant ! » Télépeler, c’est un peu de cet ordre là. On confirme bien que tout se passe à distance, et réfléchissez un peu : combien de fois ne vous est-il pas arrivé de vous apprêter à appeler quelqu’un, et paf ! , avant même d’ouvrir la bouche et de régler de volume de votre organe en fonction de l’éloignement supposé de la personne, l’autre est là, à côté de vous, et vous ne vous êtes aperçu de rien. Incroyable non ? Mais c’est ainsi : vous avez su anticiper le moment où vous alliez avoir besoin de voir cette personne, et avant que de vous égosiller, vous l’avez télépeler. Comme ça. Sans vous en rendre compte. Ca vous en bouche une narine hein ?!? Oui, je sais, moi aussi. Ajoutons que tout cela se passe bien sur au niveau le plus follement facétieux de notre inconscient, et comment ne pas en rester coit. (Sans tréma sur le i, merci.) Il va sans dire, mais disons-le quand même, car cette proposition introductive a quand même pour but d’être suivie par ce qui arrive, que dans certain cas on frise le malentendu, qui souvent n’en demande pas tant. Une simple coupe avec une jolie raie sur le côté lui suffirait. Combien de fois, là aussi, ne vous est-il pas arrivé de vous pointer près de quelqu’un en disant : « Oui ! Je suis là ! » Et l’autre : « Ben oui et alors ? » - « Ben… Tu m’as appelé ! » - « J’t’ai pas appelé du tout ! » - « Bah j’ai cru que… » - « Rien du tout ! J’t’ai pas appelé ! Pis là j’ai du boulot alors tu m’lâche ! » - « Oh ! Ca va ! Tu causes meilleur hein !! » - « J’cause meilleur si j’veux ! J’t’ai pas appelé ! Tu m’déranges ! Tu t’casses ! » - « Casses-toi toi même, eh ! Bouffon ! » - « Moi un bouffon ? Tu veux t’en manger une ? » - « Ben essaye un peu ! » Etc … Etc… Rigolez pas, on a déclaré des guerres mondiales pour moins que ça. En fait ce qui s’est passé, c’est que l’autre vous a télépelé. Et forcément donc, sans s’en apercevoir. S’agit pas non plus de devenir parano. Et encore moins seigneur des paranos. Faut simplement savoir qu’il y a des choses qui nous échappent. Et pis c’est tout.
Bon c’est l’heure des illustrations : chronique des très riches heures du naufragé à rayban des sondages poputaritesques : lors que le pauvre petit bonhomme se lamentait sur le fait qu’on ne l’aimât plus assez, tournant en rond dans son bureau même pas ovale, sa ministre en pleine santé Roselyne Bachelot fit irruption : « Vous m’avez appelé Monsieur le Président ?» - « Hein ? Quoi ? Mais non j’t’ai pas appelé ! » - « Aaah ! Booon ! Ah bah vous avez dû me télépeler alooors !!! » Et elle s’en fut aussi sec, sans demander son reste, (pour une fois), et échappant par dessus le marché au coup de sac à main Givenchy que s’apprêtait à lui balancer Rachidati pour passer ses nerfs en l’absence de Rama Yade retenue par quelques sornettes à débiter au sujet du Tibet. Las, dans son élan, la pauvre Rachidati, manquant sa cible, perdit l’équilibre et s’étala de son long parterre : du coup on ne sait pas trop au jour d’aujourd’hui si la maire du VIIme pourra en avoir un huitième.
Un glaci-danseur se languissait un jour, au bord d’un lac gelé, attendant qu’on lui fit cygne. Il est à noter que dans certaines situations, à force de télépeler on finit quand même par en prendre conscience. C’est d’autant plus sensible chez certain sujet résident dans des contrées notoirement riches en contes et légendes de tout poils, et donc de toutes plumes itou. Lorsque, soudain, distinguant au loin une sorte de masse blanche semblant se débattre dans un désordre de plumes hirsutes, il ne fut pas long à voir s’avancer, glissant assez maladroitement sur le sol givré, un cygne tout à fait lohengrinien, qui essayait, à grand renfort de battement d’ailes, de limiter d’involontaires tentatives d’axel, double axel, triple axel, etc, lesquelles tentatives le laissaient régulièrement sur le croupion, alors qu’il n’aurait pas demandé mieux qu’au moins pouvoir tenir sur ses deux pattes. Parvenu à la portée du glaci-danseur, il se présenta, ce qui n’était pas nécessaire mais qui lui permit cependant de remettre un peu d’ordre dans son plumage malmené. « Te v’la enfin ! » Lui dit le jeune homme. « Oui, bah parlons-en ! Ca fait un siècle que tu me télépelles, mais je te signale que je suis un cygne, mec ! Pas un pingouin : alors moi la glace, c’est pas gagné ! »
On note, à travers l’histoire, de nombreux exemples de personnes, souvent des femmes, qui ont été télépelées. Jeanne d’Arc, Bernadette Soubirous, Thérèse de Lisieux, et d’autres. On peut effectivement considérer qu’elles sont seules à avoir entendu qu’on les télépelait. Qu’à peu de chose près elle n’avait rien demandé. Et que l’inconscient qui les télépela ne savait peut-être pas très bien ce qu’il faisait. Ceci étant après d’interminables recherches pour tâcher d’identifier le télépeleur en question, force est de reconnaître qu’on en sait pas plus à son sujet. Aucune trace au fichier de la Sécurité Sociale. Aucune adresse connue, à part quelques informations toutes plus farfelues les une que les autres. Un signalement plutôt approximatif. Des témoins on ne peut plus douteux. Et un service de presse qui s’emploie à le défendre et qui ressemble davantage à un cirque qu’à un service de presse. Y’a qu’à voir par qui c’est dirigé en ce moment… Bref, c’est à se demander s’il existe vraiment !!!