Elle a ses jours soumis, de minuit à minuit,
Ses pas feutrés dans les couloirs de chambre en chambre,
Ses façons d’être là pour repousser l’ennui,
Renversement de tête, échine qui se cambre,
Et l’art de faire des lointains
La chrysalide de ses mains.
Maîtresse de maison, parfaite gouvernante,
Invisible sujette aux contingents murmures,
Anglaise corsetée, affable et dominante,
Ayant fait son domaine à l’intérieur des murs,
Jusqu’aux livres lus et relus,
Aux musiques qui se sont tues.
Dans les yeux ouverts à l’impossible sommeil
Elle essaie d’instiller de la lucidité,
Apportant dans le soir sur un plateau vermeil
Les amères potions de la véracité,
Et transforme le dérisoire
En un délicat reposoir.
Elle masque aux cadrans les jeux des soixantaines,
Glissant sous les tapis leurs risibles décomptes,
Rendant à l’évidence la vie incertaine,
L’agenda inutile et elle fait le compte
De ceux qui resteront absents,
Ou qui ne seront plus présents.
Comme elle draine aussi un doux froid rassurant
Qui fait verser des verres de rubis charnel
Pour infuser le corps aux désirs fulgurants
D’une paix ennemie aux larmes éternelles,
Dont il faut bien tenter alors
De fuir les éloignants accords.
Et donc savoir la tromper cette austère épouse,
Sachant comme elle sait, que je reviens toujours,
Que je n’ignore pas que patiente elle couse
Un cocon avec ce qu’il reste de mes jours,
De mes nuits et je pars pourtant,
Je pars puisque j’en ai le temps.