Skyfall : un grand Bond en avant

Publié le 26 octobre 2012 par Lauravanelcoytte
Par Eric Neuhoff Publié le 26/10/2012 à 06:00  Skyfall, Daniel Craig est un agent fourbu et désenchanté. Sauver l'Occident, c'est un job. Celui d'incarner 007 n'est pas moins prenant...." />Skyfall, Daniel Craig est un agent fourbu et désenchanté. Sauver l'Occident, c'est un job. Celui d'incarner 007 n'est pas moins prenant...." />Skyfall, Daniel Craig est un agent fourbu et désenchanté. Sauver l'Occident, c'est un job. Celui d'incarner 007 n'est pas moins prenant...." title="Skyfall : un grand Bond en avant" />Skyfall, Daniel Craig est un agent fourbu et désenchanté. Sauver l'Occident, c'est un job. Celui d'incarner 007 n'est pas moins prenant...." border="0" />
Dans Skyfall, Daniel Craig est un agent fourbu et désenchanté. Sauver l'Occident, c'est un job. Celui d'incarner 007 n'est pas moins prenant.... Crédits photo : Francois Duhamel/Sony Pictures france

Devant la caméra de Sam Mendes, le vrai 007 revient, en pleine forme et presque shakespearien.

Vilaine, va! Au début de Skyfall , M sacrifie 007 à la raison d'État. La nation est en danger. L'agent est porté pour mort. Les détracteurs de Daniel Craig caressent de doux espoirs. On va enfin se débarrasser de cet acteur. Ces espoirs ne durent pas. Le héros s'en est sorti. Simplement, il boude. Alors, comme ça, sa vie ne valait pas grand-chose? On allait voir. Comment les services allait-il se débrouiller sans lui? Il faut savoir que de dangereux terroristes ont dérobé les fichiers des meilleurs éléments britanniques. Ça n'est pas tout. L'immeuble du MI6 explose sous les yeux de sa patronne. Sale temps pour Judi Dench. Le cœur de Bond est vaste. Il revient. Il pardonne. On a besoin de lui: il est là. Le bon vieux générique rassure les vieux fans que nous sommes tous. Sam Mendes fourre le spectateur dans sa poche. Le menu est classique.

En guise d'amuse-gueule, il y a la traditionnelle poursuite (un peu longue). Vient ensuite le lot habituel de menaces, de guet-apens, de trahisons. L'image est superbe, mélange de chaudes couleurs et de clairs-obscurs. Les décors sidèrent: une île en ruines, un hangar high-tech, des sous-sols hugoliens. Le réalisateur louche sur les Batman signés Christopher Nolan. Un film contemporain ne serait rien sans une pincée de psychanalyse.

La James Bond girl est un homme

Cette fois, la James Bond girl est un homme. C'est Javier Bardem, en ex-espion déçu, génie de l'informatique à la chevelure peroxydée. Il fait des mines, se tortille, bat des cils comme un Julian ­Assange qui aurait trop regardé La Cage aux folles. Les producteurs, qui ont dû le repérer avec la perruque de Mireille ­Mathieu chez les frères Coen, ont compris qu'on pouvait le transformer en cousin du blondinet homosexuel du Bal des vampires.  À côté, la brune sculpturale, Berenice Marlohe, fait presque pâle figure. On l'aperçoit à peine quelques secondes sous la douche, la nudité masquée par des nuages de vapeur. Le film est étrangement chaste. Œdipe rôde. M est leur maman à tous. La rencontre Bardem-Craig a des accents quasi audiardiens. Ce retour de l'humour redonne du rose aux joues de la série qui avait tendance à piétiner, à se chercher. On a même ressorti l'Aston Martin des familles, la DB5. Elle marche toujours, symbole de la puissance anglaise. C'est sa madeleine de Proust. On ne va pas changer la méthode Bond, sa manie de tripoter ses boutons de manchette, son air de ne pas y toucher, le talent qu'il a pour se relever des cascades les plus périlleuses. Le tout se termine dans la lande écossaise, histoire d'adresser un clin d'œil à Sean Connery.

Une amertume légitime

On en sort secoué, à ramasser à la cuillère. Le règlement de comptes dans cette maison d'enfance laisse un goût de perte, de nostalgie, entre Les Chiens de paille  et Un taxi mauve. Tu dois grandir, mon petit James. Cela a un prix: des morts, des illusions qui s'envolent, un monde qui ne se ressemble plus, Internet qui remplace les solides Luger. Il y a quelque chose de crépusculaire dans cet adieu aux armes. Cette époque ne reviendra plus. Albert Finney, en régisseur recru d'années, ne nous contredira pas. L'ensemble est tellement réussi qu'on adopte Daniel Craig. Il a des rides. Il a vieilli. On le sent fourbu, désenchanté. Sauver l'Occident, c'est un job. Celui d'incarner 007 n'est pas moins prenant. La fatalité pèse sur cet athlète en smoking. Il regarde à peine les femmes, sirote son Martini dry d'une paille distraite, considère le cinéma de papa avec un haussement d'épaules. Une fêlure intérieure le déchire. Il n'a plus 20 ans. Personne n'a cet âge-là, désormais.

L'espion en conçoit une amertume légitime. Étrange climat. La routine consiste à découper un train en marche à la pelleteuse, à rouler en moto sur les toits d'Istanbul, à séduire des étrangères dans des casinos chinois. C'est un champ de bataille. Une brume se lève. À la dernière séquence, on devine qu'une suite nous attend. Quelle surprise! Ainsi aime-t-il son pays, même s'il lui reproche de l'avoir abandonné. La politesse l'oblige à avoir des répliques cinglantes, à ne pas montrer son désespoir serein. Il est malheureux. C'est ce qui arrive à tous les témoins de la grandeur passée. Il va falloir que cet article s'arrête là. Si cela continue, on risque de finir par comparer Ian Fleming à Shakespeare. Du calme.

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