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"Skyfall" : à 50 ans, si t'as pas une Aston Martin

Publié le 26 octobre 2012 par Lauravanelcoytte

Daniel Craig en James Bond dans "Skyfall", de Sam Mendes. | SONY PICTURES

Cinquante ans, c'est l'heure des bilans. Skyfall interroge la pertinence de ce corps usé, dans un monde auquel il n'est dorénavant plus adapté. Très en verve et chaleureux, le Britannique Sam Mendes, aux commandes de ce spectaculaire opus, confirme : "Dans mon film, l'affrontement entre le passé et le monde contemporain alimente des débats contradictoires. On dira de James Bond qu'il n'est plus bon à rien, mais il se trouvera toujours un personnage pour réfuter cette assertion." En résulte une oscillation, à la fois inquiète et loufoque, entre générations passée et future, tradition et relecture moderne du mythe.


En ce sens, Skyfall complète admirablement une franchise déjà riche de vingt-deux épopées, tout en la travestissant à la marge. La solidité du scénario contribue à l'intérêt de ces nouvelles aventures. James Bond reconsidère sa loyauté envers M (Judi Dench), la directrice du MI6, à l'aune d'une mission qui a mal tourné. Mais quand une liste d'agents infiltrés est rendue publique par un mystérieux pirate informatique et que l'Agence est détruite dans un attentat, Bond rempile. Il traque le responsable, le déjanté Silva (Javier Bardem), bien déterminé à assouvir une vengeance toute personnelle contre M.

Javier Bardem dans le rôle du méchant dans "Skyfall", de Sam Mendes. | SONY PICTURES

Oscar du meilleur réalisateur en 2000 avec American Beauty, Sam Mendes s'est réapproprié l'univers pour le moins amidonné de l'agent 007. Sa volonté de dynamiter les codes en vigueur l'a conduit à revisiter la saga de manière impertinente. Entre hommage et rupture avec les productions passées, il parvient à un équilibre intéressant. "Je voulais renverser les règles établies. Ce n'est pas comme au théâtre où vous ne pouvez pas toucher aux figures classiques. Dans Skyfall, je m'en suis pris à une icône !", s'amuse celui qui a monté plusieurs pièces de Shakespeare, en parallèle à ses films.

Les clins d'oeil aux accessoires, qui ont fait la légende de Rien que pour vos yeux ou de Vivre et laisser mourir - qui a profondément marqué Mendes quand il avait 10 ans - abondent. S'ils participaient à l'excitation presque enfantine des précédents volets, ils sont aujourd'hui aussi obsolètes que l'agent 007, d'ailleurs déclaré inapte au service dans Skyfall. Mendes exploite ces gimmicks au minimum. "Je devais me positionner par rapport aux gadgets qui faisaient rêver dans les anciens Bond. C'est tout à fait délibéré de ma part de faire dire à Q qu'à l'Agence, ils ne donnent plus dans les stylos qui explosent. Nous nous en sommes tenus au pistolet qui accompagne 007 comme un ami." Mais, que les fans se rassurent, Bond ressort du garage son Aston Martin d'origine, le temps d'un voyage dans les Highlands. Une concession à la franchise ? Plutôt une manière de déconstruire pour façonner une vision inédite de l'agent. "Détruire permet de recréer et ce dont je suis le plus fier, c'est qu'à la fin de mon film Bond regarde vers le futur, après s'être frotté à son passé", commente le réalisateur.

Judi Dench dans le rôle de M dans "Skyfall", de Sam Mendes. | SONY PICTURES

Arrivé sur le projet grâce à son ami Daniel Craig, qui endosse pour la troisième fois le seyant costume de l'agent secret, Sam Mendes a exposé aux producteurs son approche personnelle du film. Ils l'ont audacieusement suivi sur son scénario qui invente un passé trouble à 007. La tragédie intime de Bond est l'épicentre secret de Skyfall. Pas étonnant que Mendes soit allé puiser dans les zones les plus sombres de la mythologie bondienne. Son attirance pour les personnages névrosés caractérise sa filmographie, des Sentiers de la perdition aux Noces rebelles. Il poursuit, ce faisant, la ligne torturée du "reboot" amorcé avec Casino Royale et qui laissait un Bond ténébreux, veuf et inconsolé. Quantum of Solace signait, quant à lui, l'avènement de Bond. Skyfall entérine sa mort puis sa renaissance. Mendes situe son héros entre le Cary Grant de La Mort aux trousses (à son sens, le premier Bond ayant jamais existé) et le loup solitaire, incarné par Alain Delon dans Le Samouraï, de Jean-Pierre Melville.

Faut-il envisager Skyfall comme un film d'auteur pour autant ? La réponse est aussi ambiguë que le positionnement du film. Impossible de ne pas voir dans la détermination des personnages à se battre "à l'ancienne" et avec les moyens du bord, une métaphore de cinéma. Autrement dit, l'affirmation d'un goût pour l'artisanat, à l'heure des effets numériques. Pour les personnages, il s'agira de revenir aux fondamentaux (un couteau, des clous, du verre brisé pour se défendre), pour contrer la puissance de frappe d'Internet.

Daniel Craig dans le film américain et britannique de Sam Mendes, "Skyfall". | SONY PICTURES

Bien qu'ayant réalisé des films indépendants (Away We Go) et refusant la débauche d'effets, Mendes se défend d'être un auteur : "Je raconte des histoires, même s'il est flatteur qu'on dise de moi que je suis un artisan." On sera surpris d'apprendre que la majorité des scènes d'action tout à fait époustouflantes de Skyfall ont été tournées avec deux caméras tout au plus, et la plupart du temps sans doublure pour Daniel Craig. La course-poursuite dans le métro londonien, une gageure technique et artistique au vu des contraintes d'espace, n'a requis qu'une caméra. Quand à la séquence d'ouverture à Istanbul, deux mois et demi ont été nécessaires pour la mettre en boîte. On s'extasiera encore sur la magnifique traque à Shanghaï, dans un immeuble tout en surfaces réfléchissantes.

Jeu de reflets, effets de miroirs, Mendes paye, dans cet épisode asiatique d'une grande beauté plastique, son tribut à Orson Welles et à sa Dame de Shanghaï. Avec ses qualités d'écriture et de mise en scène avérées, ses références cinématographiques, Skyfall domine à l'évidence les deux autres films de l'ère Daniel Craig. Mais l'objet hybride rend indécis sur sa nature. Vrai blockbuster, il se donne des airs de film d'auteur. Une posture quelque peu simpliste tout de même. En cela, Skyfall s'inscrit dans la lignée de Batman ou de Spiderman, autres reboots qui brillent par leur noirceur psychologisante. La part refoulée du hiératique James Bond donne à Sam Mendes un alibi pour signer un film populaire et intello, intégré dans une logique commerciale agressive.

Le cinquantième anniversaire de James Bond se double d'un business très lucratif de produits dérivés : téléphones, portables, sodas, bière, costumes, voitures de luxe. Ce n'est pas une nouveauté, plus aucun blockbuster ne se fait actuellement sans le recours au placement de produits. L'accord signé entre Sony Pictures International et la bière Heineken, que siffle à longueur de scènes 007, a permis de prendre en charge un tiers du financement de Skyfall. La lucrative saga, lancée avec Dr No en 1962, a jusqu'ici rapporté plus de 5 milliards de dollars (3,8 milliards d'euros). Les deux ventes aux enchères d'objets provenant de l'univers de James Bond, organisées chez Christie's début octobre, ont rapporté plus de 2 millions d'euros. Le fringant quinquagénaire est plus que jamais bankable.

Lire aussi :  l'éditorial du Monde.

LA BANDE-ANNONCE


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Sur le Web : www.skyfall-movie.com et www.007.com/skyfall.

Sandrine Marques

http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/10/25/skyfall-...

Je précise que cet article n'est pas de moi (lien vers la page citée et si possible son auteur)mais que je suis auteure et que vous pouvez commander mes livres en cliquant sur les 11 bannières de ce blog


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