Dans les mois qui ont suivi la chute de Zine El Abidine Ben Ali, le gouvernement provisoire a engagé le pays dans la voie des réformes, notamment en ratifiant d’importants traités internationaux relatifs aux droits humains. Les autorités ont également procédé à la libération de prisonniers politiques et de prisonniers d’opinion incarcérés avant le soulèvement ; elles ont promulgué une nouvelle loi sur la liberté de la presse et levé des restrictions qui pesaient sur la création d’associations.
Cependant, le nouveau gouvernement n’a pas maintenu ces initiatives et plusieurs déconvenues font douter de la sincérité de l’engagement de la Tunisie en faveur des droits humains.
"La Tunisie a été le berceau des événements qui ont secoué l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient en 2011. Des mesures ont été prises pour remédier aux violations commises par le passé et aller de l’avant, mais elles ne vont pas assez loin et des signes préoccupants font craindre que ces réformes et d’autres qui devraient être engagées de toute urgence ne soient en danger", a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe d’Amnesty International pour cette région du monde.
Au cours des derniers mois, les restrictions de la liberté d’expression se sont durcies, des journalistes, des artistes, des personnes critiques à l’égard du gouvernement, des écrivains et des blogueurs ont été pris pour cibles sous couvert de maintien de l’ordre public et moral. Ceux qui ont été blessés pendant le soulèvement et les proches de ceux qui ont été tués ont le sentiment que la vérité n’a pas été établie et attendent que la justice soit rendue et que des réparations leur soient accordées.
Les autorités tunisiennes n’ont pas semblé désireuses ou capables de protéger la population contre les attaques de groupes soupçonnés d’être affiliés à des groupes salafistes.
L’état d’urgence décrété le 14 janvier 2011 a été renouvelé à plusieurs reprises; récemment encore, il a été prolongé jusqu’à la fin du mois d’octobre 2012. Les autorités ont eu recours à une force injustifiée et excessive contre les personnes qui ont continué de manifester dans la rue dans différentes villes de Tunisie pour protester contre la lenteur des réformes.
Au cours de l’année qui a suivi l’élection de l’Assemblée constituante, Amnesty International a reçu des informations faisant état d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, le plus souvent en provenance de manifestants qui ont affirmé avoir été frappés lors d’un rassemblement, d’une arrestation ou dans un centre de détention.
Autre signe préoccupant, le nouveau gouvernement de la Tunisie a rejeté récemment une recommandation du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui, dans le cadre de l’Examen périodique universel, recommandait aux autorités du pays d’abroger les dispositions du droit tunisien discriminatoires à l’égard des femmes, d’abolir la peine capitale et de dépénaliser les relations sexuelles entre personnes de même sexe.
"La Tunisie est à un tournant. Les autorités doivent se saisir de cette occasion historique qui leur est donnée en remédiant aux atteintes aux droits fondamentaux commises par le passé et en intégrant dans la législation et dans la pratique les droits humains universels, pour que l’état de droit règne réellement dans la nouvelle Tunisie."