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La véritable origine de l’automne (1)

Publié le 27 octobre 2012 par Nicolas Esse @nicolasesse

En ces jours fripés où les feuilles virent à l’aigre avant de tomber, où un vent poisseux vient barbouiller de brume pâle les jambes bronzées de l’été, dans cet entre-temps mort qui porte déjà le visage de l’hiver sans jamais vouloir prononcer son nom, on scrute en vain le ciel en se demandant quel sanglot long et idiot a bien pu inventer l’automne pour nous blesser d’une langueur si monotone.

Pourquoi ne pas passer directement de l’été à l’hiver ? Douze mois font exactement une année, mais pourquoi quatre saisons ? Pourquoi pas trois ou deux, ou cinq ? Et surtout, pourquoi l’automne alors qu’il y a l’été ?

Dans les dernières lueurs de ce mois d’octobre lugubre et agonisant, je me sens moi-même dans un état peu rassurant. Je suffoque, je blêmis, je fais le décompte des jours anciens et m’aperçois avec Verlaine qu’un vent mauvais m’emporte vers un tas de feuilles mortes. Rassemblant mes dernières forces, je lutte à contre-courant. Le vent forcit, je m’arc-boute. Le vent rugit et je rampe. J’avance millimètre par millimètre en direction de mon humble demeure que je devine à peine, derrière la nappe de brouillard épais qui monte du sol lourd. Encore un effort. Ne pas s’arrêter. Penser Guillaumet dans les Andes. Encore dix mètres. Cinq. Deux. Dans ma poche, le trousseau de clés pèse une tonne. Je le soulève à bout de bras. Mes doigts gourds ne trouvent plus le chemin de la serrure. Le vent m’enveloppe dans son souffle glacé. Tout se brouille. Ma main aveugle se tend une dernière fois. Une dernière fois. D’un seul coup la clé s’enfonce et tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. J’abaisse la poignée. Je me jette à l’intérieur. Je referme la porte, haletant et have.
Tout se calme d’un seul coup.
Dehors, l’automne hurle à la mort mais il l’a dans l’os en ce qui me concerne. Dedans, il est temps d’ajouter quelques bûches de mélèze au feu qui mijote. De préparer un lait au miel avec du chocolat. De mettre un pyjama. Un bonnet de nuit et une paire de charentaises. Ensuite, le corps envahi par d’enivrantes bouffées de sève chaude, ouvrons le premier volume de l’Encyclopédie Universelle à la page 875, où nous trouvons un article très documenté et consacré à l’automne. Penchons-nous sur la première phrase :

« Au commencement était l’été. »



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