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Chroniques de l’ordinaire bordelais – Episode 31

Publié le 28 octobre 2012 par Antropologia

Prêts à partir ?

Ils habitent près d’un pont de chemin de fer et d’un nœud routier. Je passe par là quotidiennement et suis souvent arrêtée par le feu rouge devant leur maison. Je sais que je ne saurai rien d’eux, car le fait que leur vie m’intrigue n’est pas une raison suffisante pour lier connaissance. Alors je décide d’observer leur seuil au jour le jour, en me centrant sur ce qui s’offre à la vue, avec le présupposé que les objets parlent.

Souvent une ou deux camionnettes. Une fillette entre dans le coffre de la camionnette avec le landau de sa poupée ; ce que je trouve peu banal paraît pour elle un jeu usuel et autorisé. Je me dis que dans son jeu, la camionnette est comme une caravane dans laquelle elle s’imagine partir, car j’ai déjà fait l’hypothèse qu’il s’agit de gens du voyage.

Ils n’ont rien à cacher, en tout cas, vivent « au grand jour », porte ouverte. Une fois, je les vois débarquer des vêtements, non pas disparates, mais par lots ; je me dis qu’ils vendent sur des marchés.

Tout ce qui symbolise les déplacements est en permanence stationné devant la porte, prêt à servir : scooter, ou vélos d’enfant, ou poussette de bébé. Les baskets nettoyés sèchent à la fenêtre du premier étage.

Je suis gênée malgré tout de catégoriser ces gens, de décider que leur mode de vie est singulier, mérite l’observation, de quel droit ? Un jour cependant, S., qui est à mes côtés dans la voiture, et à qui je fais part de mon centre d’intérêt, salue justement au passage, par la vitre ouverte, une toute jeune fille aux cheveux décolorés (« Bonjour, N. ! »), et me dit qu’elle était dans sa classe l’an dernier au Cours Moyen. «Ce sont des gitans », me dit-elle.

Et puis un autre jour je suis inquiète : la porte est ouverte, mais rien devant la maison. Seraient-ils partis ?

La clé du mystère m’est peut-être donnée le samedi qui suit. En effet, une grande fête se préparait les  jours précédents, et  aurait je suppose occasionné le grand vide que je constatais. Des jeunes gens et jeunes filles endimanchés envahissent maintenant le couloir. Sur le trottoir, des hommes plus âgés en chemise blanche occupent des chaises. Ils discutent sans verre à la main, l’alcool n’est pas nécessaire à l’harmonie qui semble régner, au plaisir d’être réunis à cette  occasion.

Danielle Duga



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