Mardi 30 octobre 2012
Auteurs, faites gaffe à vos contrats !
Je suis tombée récemment sur le site Bookly.fr, site de crowdfunding pour romans : les auteurs publient le début du livre, les visiteurs parient dessus en misant de l’argent (non, en « investissant » pardon), et les gagnants sont publiés aux Editions Prisma.
En soi, ce n’est pas mauvais, ça existait déjà avec My MajorCompany Books (j’en avais parlé)
Curieuse, je suis allée regarder le contrat d’édition. Il vaut son pesant de cacahuètes.
Je me rends alors compte qu’il n’y a pas deux contrats, mais un seul : un combo papier/numérique. Ce qui est contre la recommandation de toutes les sociétés d’auteurs, notez-le.
Pour le numérique :
- 15% pour le numérique (Wow ! C’est ce que touche les grosses pointures sur leurs ventes… papier)
- Cession des droits pour toute la durée du droit d’auteur (aka Ad Vitam +70ans post-mortem)
- Récupération des droits si
- L’éditeur ne diffuse plus votre livre en ligne pendant 12mois consécutifs à votre injonction de publier (l’auteur doit envoyer un courrier à l’éditeur pour lui ordonner de remettre le livre en vente et attendre 12mois)= il le remet en ligne ça lui prend 10secondes et vous êtes b*isé pour récupérer vos droits.
- L’ouvrage ne fait AUCUNE vente pendant douze mois consécutifs : donc si UN UNIQUE lecteur achète votre livre dans l’année, vous ne récupérez pas vos droits = l’éditeur garde vos droits ad vitam+70 ans car vendre UN livre par an, c’est super facile… mais ça vous fera pas vivre.
Pour information, mon contrat Numériklivres : 25% du prix de vente, cession pour 5ans renouvelables et pour la récupération des droits, ben il suffit que je résilie le contrat quand il arrive à terme (c’est-à-dire tous les 5ans je me pose la question : je continue avec cet éditeur ou j’arrête ?)
Pour le papier, c’est aussi très fort, mais beaucoup plus « traditionnel » :
- Cession ad vitam+70 ans post mortem (rien de nouveau ici)
- 10% de droit jusqu’à 100.000 exemplaires vendus et au-delà… 11% ! (un bon pourcentage sur du papier, c’est 12% dès la première vente, je vous le rappelle…)
- Récupération des droits habituelle pour le papier (non réimpression, non exploitation-effective-et-contine,blablabla…) = quasi-impossible
Sachez qu’en plus, le contrat s’accompagne d’une clause de préférence (votre prochain roman, c’est pour eux) et évidemment aux mêmes conditions ! (pas moyen de négocier le contrat suivant donc, vous avez signé !)
Ok, y’a un à valoir de 1100 € (1000 papier/100 numérique), mais merde, si vous devez sacrifier votre roman à vie, faites-le pour beaucoup plus !
Et pire que ça, est accolé à ce contrat un contrat de cession des droits audiovisuels. C’est quoi ? Si un jour votre livre fait l’objet d’une adaptation (ciné, tv, jeux vidéos), l’éditeur négocie et encaisse la moitié des droits. L’auteur, en dédommagement de son abandon, perçoit les 50% restants. En gros, si le livre marche et séduit des producteurs/réalisateurs sans faire le moindre effort, l’éditeur prend la moitié de ce que vous auriez gagné si vous ne lui aviez pas céder les droits audiovisuels de votre bouquin.
Pire, si jamais, longtemps après que l’éditeur vous ait oublié, vous trouvez, de vous-même, un bon ptit gars prêt à tourner un film sur votre livre, que vous vous chargez de tout parce que l’éditeur n’en a plus rien à fiche de votre bouquin depuis 10ans qu’il en garde 20 dans sa réserve pour faire croire à « une exploitation continue et effective » et ne surtout pas vous rendre vos droits. Et bien vous devrez tout partager avec l’éditeur. 50/50. C’est ballot, hein ?
Oh oui, tout le monde rêve que son bouquin marche, que l’éditeur face son boulot marketing et que l’auteur devienne riche et célèbre !
Arrêtez de rêver : Je doute que les écrivains comme Musso, Levy ou Nothomb se fichent de leurs contrats. Pourquoi y arrivent-ils ? Parce qu’ils ne se laissent pas faire, tout simplement. Vous me direz qu’ils ont un poids plus important que vous, primo-romancier, dans la balance des négos. C’est pas faux, mais si vous vous laissez sagement mener à l’abattoir sans rien dire, croyez-vous réellement que l’éditeur vous considérera comme un vrai auteur qui fait son boulot ? Ou plutôt comme un écrivain du dimanche qui réalise son rêve et qu’on peut arnaquer à merci ? Il n’est pas idiot d’exiger certaines choses, d’en céder d’autre. Négocier, c’est se mettre d’accord pour que chacun y trouve son compte, pas pour qu’un gagne sur l’autre.
Sachez qu’un éditeur qui s’intéresse réellement à votre bouquin saura faire des concessions. Il n’y a pas tant d’excellents manuscrits que cela dans les montagnes qu’ils reçoivent, s’il vous a choisi, c’est que votre texte a de la valeur et donc que vous ne devez pas l’abandonner pour des clopinettes (ne demandez pas la lune non plus, évidemment :P )
N’oubliez jamais : un contrat, ça se négocie !
PS: la phrase qui m’a faite le plus rire dans le contrat Bookly est celle-ci :
L’Editeur s’engage à respecter le droit moral de l’auteur, notamment par la citation de son nom.