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Bad is the new black.

Publié le 17 juin 2012 par Lauramaz @LauraMaz

Bad is the new black.Entre la fin de Dr House et l’annonce de la dernière saison de Breaking Bad, 2012 n’est vraiment pas l’année des bad boys. Cyniques, alcooliques, toxicomanes ou womanizers, les représentants du côté obscur de la Force règnent en maîtres depuis 10 ans sur la planète série. Le héros made in 21e siècle est complexe, plein de zone d’ombres et n’est pas toujours pétri de bonnes intentions, c’est un faux méchant vraiment tourmenté. Portraits de ces héros presque parfaits.

Quand ils ne sont pas mafieux, assassins ou trafiquants, ils sont toxicomanes, coureurs de jupons, menteurs, racistes ou sans scrupule. Depuis une dizaine d’années les héros des séries se doivent d’être torturés entre le bien et le mal pour être crédibles. S’ils sont abusivement qualifiés d’antihéros, c’est parce qu’ils ont des attributs jusque là réservés aux méchants mais à la différence des vilains, ils ont une conscience, souffrent de leur condition et cherchent à réparer d’une façon ou d’une autre le mal qu’ils font. Le pari des séries HBO, Showtime et FOX (pionnières du genre) a été de nous faire aimer des héros ambivalents en jouant sur l’ambigüité morale et en apprenant au téléspectateur à relativiser ses valeurs mais en maintenant néanmoins une loi morale universelle à Hollywood : Si tu fais le mal, tu ne te sentiras pas bien.

Gentil méchant ou Méchant gentil, la fin du pays de Candy. Le glissement c’est opéré doucement mais sûrement pour nous faire aimer ces héros d’un nouveau genre. En nous plongeant dans l’univers carcéral, une série comme OZ, bouleverse nos repères moraux. Tous les personnages sont mauvais (ben oui, sinon ils ne seraient pas là). Nous sommes alors obligés de réajuster nos valeurs pour nous trouver un héros. Si la série s’articule autour du personnage de Tobias Beecher, c’est parce que c’est un personnage familier dans un univers inconnu. Condamné pour avoir tué une enfant alors qu’il était ivre au volant, c’est un avocat, père de famille qui n’a jamais eu de problème avec la justice. Comme les règles de la société n’ont pas vraiment cours au pénitencier d’Oswald nos repères changent et nous trouvons des excuses aux actes les plus abjectes parce que  dans ce contexte, il n’y a pas d’autres alternatives que le mal pour survivre. Mais en bafouant plusieurs Commandements pour assurer sa survie à Emerald City, Beecher réveille en lui un conflit intérieur et son surmoi (la police de l’inconscient) finit par le démanger. Et oui même dans OZ, il y a une morale. Après avoir sombré dans le mal et avoir payé très cher ses péchés (pas de spoiler mais il a pris cher), il trouve la force en lui pour tendre l’autre joue et retourner vers le bien (ou du moins une certaine notion du bien, ben oui on est en prison quand même). C’est une victime du système carcéral qui a trouvé le chemin de la rédemption. Un personnage a priori gentil à qui l’on a donné provisoirement les caractéristiques du méchant pour le rendre meilleur. Si il y a des méchants qu’on aime ce sont bien les mafieux avec leurs nappes à carreaux, leur manie de décapiter des chevaux et leur sens de la famille, ils nous fascinent depuis toujours. Entre la bigoterie de sa femme, les caprices de sa fille et le manque d’ambition de son fils, Tony Soprano a plein de soucis d’autant qu’il a une autre famille à gérer, la Famille. Pas étonnant que le parrain du clan DiMeo, proche du burn out, soit obligé de consulter. Et les problèmes de famille ça parle bien au téléspectateur, il en a souvent une lui-même. On l’aime  parce qu’on le comprend, il nous ressemble et ses problèmes sont finalement les mêmes que les nôtres. Si le personnage de départ est un méchant ses créateurs l’ont doté des caractéristiques du gentil, il cherche à protéger sa famille, il aime le sport et la pêche qu’il pratique avec son fils et adore les animaux, un homme qui se détend en nourrissant les canards et qui est dévasté par la mort de son cheval préféré peut-il être vraiment mauvais ? (Sur ce dernier point pas de spoiler mais l’histoire nous montre que oui, quand même).

Parrain italo-mafieux, baron de la drogue ou flics ripoux les grands méchants des séries des années 2000 ont été empruntés au cinéma et revisités. Pour s’affranchir du grand écran, la télévision s’est alors intéressé au vilain ultime, celui qu’Hollywood ne pouvait décemment pas ériger en héros, le tueur en série. Dans Dexter, le postulat de départ est différent, c’est un monstre (c’est pas moi qui le dit, c’est lui) qui évolue dans un univers « normal ». Il n’est pas né tueur en série, il l’est devenu. Sa mère a été assassinée sous ses yeux et le bébé s’est retrouvé baigné dans son sang. Le mal n’est pas sa nature profonde mais vient de ce traumatisme, ce qui suggère qu’il peut potentiellement en soignant cette blessure revenir à sa vraie nature : le bien. L’humanité de Dexter vient de sa conscience du mal qu’il fait, preuve que ce n’est pas un sociopathe, et de la douleur qu’il éprouve à ne pas pouvoir contrôler son instinct. Il cherche désespérément sa place dans la société au lieu de lui en vouloir d’avoir fait de lui ce qu’il est. Contrairement au Ice Truck Killer (saison 1) ou à Trinity (saison 4) eux aussi devenus serial killers suite à des traumatismes, Dexter ne blâme pas la société et ne cherche pas à lui faire payer sa condition. Au contraire il met ses pulsions criminelles à son service pour la rendre plus sûre. C’est un héros qui sacrifie sa paix intérieure et vit avec ses démons pour protéger sa communauté, sa famille et ses amis, il défend à sa façon les mêmes valeurs que Charles Ingalls (à sa façon, j’ai dit). Si dans les premières minutes du pilote, il nous affirme être un monstre incapable de sentiments ou d’émotion, il nous prouve par ses dilemmes, ses souffrances et son désir de s’intégrer qu’il est loin d’être inhumain et que d’une certaine façon,lui aussi nous ressemble.

La morale est sauve, Michael Landon peut reposer en paix. Plus facile en définitive d’être en empathie avec un tueur torturé dont on connaît les souffrances qu’avec un père de famille du XIXe siècle qui résout tous les conflits en citant la Bible et se défoule en coupant du bois (non je ne vise personne). Nous comprenons les actes de ses personnages ambigus et les pardonnons quand ils nous heurtent, parce qu’ils ne sont pas déterminés par leur nature profonde mais par l’univers dans lequel ils évoluent, les traumatismes de l’enfance, la maladie et que les causes qu’ils défendent sont souvent justes. Tous ces faux méchants sont en fait des gentils qui ont mal tourné et qui font de mauvaises choses pour de bonnes raisons. Walter White (Breaking Bad) vend de la drogue mais il va mourir et veut protéger sa famille, Jack Bauer (24) torture un peu les gens mais c’est pour sauver l’Amérique et Dr House se bourre de Vicodine et insulte tout le monde mais il a très mal à la jambe et sauve des vies. Les valeurs prônées par la télévision sont les mêmes qu’avant et pour les défendre, quels que soient leurs gardiens, la fin justifie les moyens. Don Draper (Mad Men), Vic Mackey (The Shield) ou Tony Soprano (The Sopranos) sont avant tout de bons pères de famille prêts à tout pour la protéger.  A l’inverse Hank Moody (Californication) se vautre dans le stupre parce qu’il est privé de sa cellule familiale qui sera l’enjeu de la première saison de la série. Patty Hewes (Damages) ou Dr House sont les meilleurs dans leur domaine et si leur méthode pour servir la justice ou sauver des vies sont contestables, leurs fins ne le sont pas. Travail, Famille et Justice, les valeurs de l’Amérique sont sauvées quoi qu’il arrive et c’est ça qui compte. Et comme tous ces gens sont un peu des méchants quand même, à un moment de leur histoire, ils sont tous confrontés à leur côté obscur et doivent rendre des comptes à leur femme, leurs amis, leur patron ou la société parce que même s’ils ont des excuses l’impunité n’existe pas à Hollywood.

Après des années de politiquement correct télévisuel, ces nouveaux héros sont apparus comme une bouffée d’air dans le paysage audiovisuel, mais après 10 ans d’une surenchère d’anticonformisme et d’immoralité, ces faux méchants finissent par se ressembler et sombrer dans la caricature comme les vrais gentils à qui ils ont succédés. Et on se dit qu’un héros positif de temps en temps ne ferait pas de mal. Ce n’est pas parce qu’on ne tue pas des gens en masse, qu’on exerce un métier légal ou qu’on ne gobe pas des pilules comme des Smarties, qu’on est forcément superficiel et insipide. Les personnages nuancés peuvent être tout aussi complexes. Ils essaient de suivre les 10 commandements dans la mesure du possible mais convoitent la femme de leur voisin de temps en temps, ils ont eu une enfance malheureuse qui n’impliquent pas forcément un inceste ou un bain de sang et pour oublier leurs soucis parce qu’eux aussi, en ont, ils trouvent d’autres solutions qu’un fix d’héro entre les orteils. Ils sont imparfaits, ne cherchent pas à faire le bien, juste à faire au mieux en composant avec leurs blessures, leur histoire et leurs contradictions, qui si elles ne sont pas exceptionnelles, ont le mérite d’être réalistes et de nous rappeler les nôtres. Le succès de séries comme The Good Wife ou Friday Night Lights semble inaugurer une nouvelle ère dans laquelle le bad boy torturé cède sa place à un personnage tout aussi profond et attachant, moins moralisateur qu’Eric Camden (7th Heaven) et plus mesuré que Jim Profit (Profit), un faux gentil, un héros normal.



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