En 2002, l’Amérique se passionne pour l’affaire Andrea Yates, une mère au foyer accusée d’avoir noyé ses cinq enfants, Marc Cherry, acteur, scénariste et producteur alors au chômage dit à sa maman, Martha (dont il s’était inspiré pour créer les personnages de sa série phare « The Golden Girls ») ne pas comprendre un tel geste. Elle lui avoue alors qu’elle-même, mère de 3 enfants, a eu des rêves d’infanticide quand ses sœurs et lui la poussait à bout. Le « burn out » de bonnes mères de famille, voilà un sujet qui n’a jamais été traité dans une comédie ! Cherry se plonge dans l’écriture, emprunte de l’argent à cette si précieuse maman et repart à la conquête d’Hollywood : Desperate Housewives était née.
Desperate Housewives arrive sur le petit écran à point nommé, les filles de Sex and The City ont raccroché les stilettos et les femmes du monde entier sont orphelines de « copines », de femmes qui leur parlent, de modèles. Notons au passage que les 2 séries ont été créées, écrites et produites par des hommes. Mais si nos new-yorkaises préférées n’ont qu’une devise « Drink, Shop & F****», les habitantes de Fairview, elles, ont des valeurs et si elles s’oublient, comme une certaine G. avec son jardinier, elles sont immédiatement rappelées à l’ordre par leurs amies/voisines (Susan forcera Gabrielle à avouer sa liaison). Chacune à sa façon prône les valeurs de l’Amérique de Georges W. Bush. Dés le pilote, nous sommes prévenues, si tu veux garder un homme, arrête de travailler et apprend à cuisiner ou tu finiras comme Susan.
Loin d’être subversive comme sa consœur de HBO, au fil des années Desperate Housewives a su convaincre son public que le « suburb way of life » est aussi fun qu’une vie dissolue dans le Meetpacking district et que les vertus républicaines ont du bon. Car le véritable personnage emblématique de la série, c’est Bree Van De Kamp, républicaine convaincue, adhérente de la NRA et membre actif de sa paroisse. Directement inspirée par la mère de Marc Cherry, elle est le porte drapeau de la droite conservatrice et comme dirait Denis Brogniart, ses sentences sont irrévocables. Formidablement incarnée par Marcia Cross, on adore la voire changer la cravate de son mari dans son cercueil, remettre en place les boutons de son psy pendant sa séance de thérapie ou garer sa voiture dans le quartier défavorisé de la ville pour qu’on la lui vole, « I have faith in the poor » (« Je fais confiance aux pauvres » – pour la voler). Et du coup on oublie très vite qu’elle est pour le port d’armes, anti-avortement et soutient la peine de mort.
« Desperate Housewives ? J’ai décroché à la saison 4. » Si la grève des scénaristes à la rentrée 2007 n’a sans doute pas aidé, elle n’est pas seule responsable de qualité médiocre de cette saison, qui inaugure une baisse d’audience qui ne s’arrêtera plus. Le vent du changement souffle sur l’Amérique et la série accumule les clichés et les « déjà-vu », Lynette a un cancer, Mike est accro aux médicaments… Elle s’empêtre dans une intrigue sans intérêt sur le passé Katherine Mayfair dont il faut bien avouer qu’elle n’intéresse personne, tant son introduction comme « 5e housewife » a été ratée. Le cliffhanger de l’épisode final nous envoie 5 ans plus tard comme pour sauter cette parenthèse démocrate de l’histoire, Wisteria Lane ne vivra pas le mandat Obama.
Pendant les années qui vont suivre, les personnages vont perdre peu de leur superbe, moins caricaturales, elles finissent par devenir lassantes, presqu’ennuyeuses. Le politiquement correct s’est fait une place à Fairview et l’on finit par se demander si Bree n’a pas viré démocrate ! Elle encourage le mariage gay, particulièrement celui de son fils, couche avec l’ex de sa meilleure amie et joue les cougars. Après avoir passé des années à nous vendre une banlieue sublimée, hors temps, Marc Cherry joue la carte de la réalité, Susan a besoin d’un rein (on en profite pour nous montrer que bouh ! C’est dur l’hôpital), les Scavo ont du mal à joindre les deux bouts, (c’est la crise, on vous dit !) et Wisteria Lane est envahie d’anciens détenus qui veulent des logements sociaux. C’est à n’y plus rien comprendre. Seule bouffée d’air, l’arrivée de Renée (Vanessa Williams) qui se glisse facilement dans les Louboutin de feu Edie Britt et devient cette 5e roue de Prius qu’on attendait depuis longtemps. Comme son incendiaire prédécessrice, dont elle occupe la maison (la rose au fond), elle réveille un peu cette communauté comateuse, elle drague tous les hommes qui passent, poussent ses voisines à se dévergonder et n’aiment ni les nains, ni les enfants. Elle nous ferait presque penser à une de nos copines de New York, à ceci près que contrairement à Carrie & Co, nos chers scénaristes républicains, nous rappellent le temps d’un épisode, qu’elle est malheureuse de ne pas avoir eu d’enfant et que ce n’est pas par choix (Ah quand même !).
Le grand moment des au revoir est donc arrivé et cette ultime saison qui nous promettait de grands retours et des rebondissements spectaculaires n’a pas été à la hauteur de ce que nous étions en droit d’attendre. Si ce n’est le décès d’un personnage phare de la série, dont finalement on se dit que ça fait 3 ans qu’il ne sert plus à grand chose, ce « good-bye » est plus un soulagement, qu’un déchirement. La série délaye sur 23 épisodes une intrigue qui aurait pu être résolue en 2 et conclut sur un twist plus qu’attendu. Quant à la dernière traversée de la « lane », elle est d’un ridicule confondant.
Comme la droite américaine, ses dernières représentantes télévisuelles n’ont pas surprendre su la voie du changement et plutôt que d’assumer ce qui avait fait de cette série un phénomène, Marc Cherry a cédé à la facilité en modérant ces personnages et ses intrigues. Malgré cette fin en demi-teinte Desperate Housewives restera une des grandes séries de la décennie et les filles de Wisteria Lane nous manquerons. Nous remettrons de leur absence ? Yes, We Can.